Situation critique

Son retour n'était en rien synonyme de supériorité, et cela Vegeta le savait. Bien sûr, il avait la chance d'être à nouveau en pleine possession de ses moyens, mais tout épuisé que soit leur adversaire et autant qu'il lui en coûte de l'admettre, il était d'un niveau bien supérieur au sien à ce moment. Il n'aurait su dire à quel point - ne serait-ce parce qu'il ne pouvait toujours pas sentir ni quantifier son énergie -, mais leurs nombreuses échauffourées lui avait permis de le déterminer.
Il était donc dans leur intérêt de lui porter un coup décisif, et vite - un dont il ne pourrait pas se relever, même avec toute sa ressource. À choisir, il aurait aimé l'achever de manière un peu plus personnelle, mais il ne ferait pas la fine bouche : un Genkidama ferait l'affaire. C'était peut-être leur dernière chance. Et c'était donc à lui qu'incombait une fois encore le rôle d'occuper l'ennemi le temps que la technique gagne assez en taille pour tuer sa cible à coup sûr. Il n'y aurait pas de deuxième chance ; ils n'avaient pas le droit à l'erreur.

« Je refuse de mourir avant toi ! » cracha-t-il à l'adresse de l'imposteur - en même temps que son sang, qui n'avait pas mis longtemps avant d'être versé à nouveau - tandis qu'il faisait de son mieux pour le garder sous contrôle, s'extirpant des débris au creux desquels il était projeté à répétition. « Si tu veux me tuer, il va falloir faire mieux que ça ! »

Cela faisait après tout quelques fois qu'ils s'affrontaient, et l'obstination pathologique de son ennemi à utiliser les techniques ô combien familières de Kakarot - n'en avait-il pas d'autres ? - le rendaient d'autant plus prévisible ; cela lui permettait au moins de temporiser, d'atténuer les dégâts à défaut de pouvoir tout esquiver.
Ce n'était qu'une solution temporaire, mais avec un peu de chance, il n'aurait pas besoin de plus. Déjà, les masses d'énergie commençaient à affluer de toutes part ; des quatre coins du globe, de l'espace... Peut-être d'encore plus loin.
Kaio avait fait les choses en grand, cette fois : était-ce parce qu'il pensait que la seule participation des habitants de la Terre ne serait pas suffisante ? Vegeta pouvait difficilement lui donner tort, aussi était-il bien forcé d'admettre que c'était bien pensé de sa part. Peut-être que la divinité mineure était plus digne de son respect qu'il ne le croyait, finalement.

Retenir le mauvais dieu n'était pas facile, et chaque attaque reçue que le prince n'arrivait pas à amoindrir lui faisait l'effet d'un coup de massue, mais voir la sphère enfler à chaque fois qu'il avait l'occasion de jeter un œil dans sa direction lui donnait la force de continuer - de tenir bon.
Plusieurs fois, il eut l'impression de sentir sa conscience lui échapper, de flancher sous la violence des assauts qu'il devait endurer, mais il revenait inlassablement à la charge, se raccrochant à la certitude qu'il était le seul à pouvoir le faire - que personne ne serait là pour prendre sa place.
Que c'était à lui de sauver le monde.
Son monde.
Était-ce donc ça que d'être le héros ? Ce n'était pas une place enviable, c'était le moins que l'on puisse dire... Était-ce ainsi qu'à l'époque, celui qui était aujourd'hui son rival s'était senti en protégeant la Terre face à lui ? Quelle ironie du sort...
S'il restait encore le moindre doute - ce n'était pas son cas - sur l'identité de l'usurpateur, la démence évidente qui habitait désormais la moindre de ses expressions aurait suffi à prouver qu'il n'était pas Son Goku et ne l'avait jamais été. Quelle que soit la sinistre manigance qui avait donné naissance à un tel personnage, il n'y avait pas à hésiter : ils pouvaient l'éradiquer sans regrets.
Encore fallait-il y arriver, néanmoins.
Et alors qu'il sentait ses forces sur le point de le quitter une nouvelle fois, malgré son acharnement à user un peu plus sa proie au cours de leur échange, Vegeta estima que la Boule ne gonflerait pas davantage - voire même qu'il serait dangereux qu'elle le fasse ; la Terre n'était pas faite pour abriter une telle concentration d'énergie pendant trop longtemps. Qu'ils trainent trop, et c'étaient eux qui allaient la détruire !

« MAINTENANT ! » ordonna-t-il donc dans un dernier sursaut, alors genou à terre au milieu des cendres de ce qui avait été sa demeure.

Qu'il l'ait entendu ou non, le garçon répondit à sa demande, expédiant l'orbe gigantesque dans la direction de celui à qui il était destiné. Bien que celui-ci se soit rendu compte qu'il s'agissait d'une technique divine, cela ne le rendait pas plus capable qu'un autre de se défendre face à elle ; tout au plus comprendrait-il mieux ce qui était en train de lui arriver quand il se dissoudrait dans sa lumière. Un sourire éclaira le visage du prince, pâle et ensanglanté.

« Fais ta prière ! » lança-t-il au premier concerné, sans plus pouvoir bouger, mais avec la satisfaction de savoir qu'il était sur le point de disparaître.

...Si du moins celui-ci n'était pas venu l'agripper pour lui asséner quelques coups supplémentaires, s'assurant d'anéantir le peu de résistance dont il était encore capable avant de le jeter sur la trajectoire de l'attaque de Kaio. Sonné, il n'eut qu'à peine une seconde pour comprendre ce qu'il lui arrivait avant d'entrer en contact avec la technique ultime de Kaio - et de s'engouffrer bien malgré lui à l'intérieur.
Juste assez longtemps pour savoir que c'était la mort qui l'attendait.
Car après tout, quelle raison aurait-il eu de croire qu'il pouvait en être autrement ? Certes, Porunga lui avait fait une faveur en le ressuscitant la dernière fois, mais cela ne faisait pas de lui une bonne personne. Et quand bien même c'était là l'explication - ce n'était pas comme s'il avait eu l'occasion de lui demander -, l'opinion du dragon de Namek n'avait en rien valeur de vérité universelle.
Les mœurs auxquels son peuple et lui étaient rattachés n'étaient pas celles de tout le monde - et le Genkidama, lui, ne faisait certainement pas de remise de peine pour bonne conduite.
Et pourtant.

Vegeta s'était attendu à être anéanti ; à ce qu'il ne reste rien de lui comme ça avait bien failli être le cas le jour où il était venu sur Terre pour la première fois. Pourtant, lorsqu'il rouvrit les yeux, ce fut non pas pour se retrouver à nouveau au pied du titanesque bureau d'Enma, mais bien toujours parmi les vivants - ses lésions douloureuses en étaient la preuve -, et...
...Au centre du Genkidama, enrobé par la myriade d'énergies qui avaient servi à le créer.
Pourquoi ? Pourquoi était-il encore là ? Pourquoi n'avait-il pas été détruit ? Avant qu'il puisse répondre à cette question, les forces qu'il pouvait percevoir partout autour de lui - c'en était aussi étouffant qu'enivrant - se mirent en mouvement...
...Pour se confondre avec lui, s'immiscer dans les profondeurs de son être. Jusqu'aux méandres de son âme, apparemment assez claire désormais pour n'avoir pas été désintégrée. Des puissances connues et d'autres non ; des grandes et des petites ; des parfaitement pures et d'autres aux couleurs plus troubles...
Des auras extrêmement diverses, mais toutes aussi importantes pour venir à bout d'un des plus grands dangers que leur univers ait connu jusqu'alors, peut-être plus grand encore que ne l'était Auros il n'y a pas si longtemps.

Ces dons, on les leur avait confié pour qu'ils fassent le nécessaire. Pour que plus personne n'ait à craindre la menace qu'ils étaient en train d'affronter. On avait choisi de leur faire confiance - de croire en eux, assez pour leur mettre une telle force entre les mains. Il n'allait pas la gâcher.
Peut-être que le Genkidama n'avait pas rempli son rôle premier, mais ce n'était pas pour autant qu'il ne pouvait pas encore servir !

Alors, dans un sursaut de hargne et de détermination, il se redressa et fit exploser son aura, l'imprégnant d'autant mieux de toute cette puissance positive - l'en gorgeant autant qu'il le pouvait avant qu'elle s'étiole et retourne à la nature.

Si bien qu'il l'absorba toute entière - la but à la source jusqu'à la dernière goutte. Et il se sentit changer ; muer. Devenir quelqu'un d'autre, devenir autre chose - c'était comme si sa conception-même de la réalité était bouleversé, comme si tout ce qu'il pensait immuable ne l'était plus tant désormais.
Comme si tout était possible ; comme s'il pouvait tout faire, tout changer - comme si ses limites n'étaient plus qu'un lointain souvenir.
Cette sensation, il la connaissait et il n'était pas sûr d'aimer ce qu'elle impliquait - mais en l'occurrence, il n'avait pas d'autre choix que de l'embrasser toute entière. De la faire sienne. Jusqu'à ce que l'or de son aura s'empourpre et s'embrase.
Jusqu'à ce qu'il entre dans le domaine des dieux en défonçant la porte.

Peu à peu, la blancheur aveuglante de ce qui avait été le Genkidama rougeoya à son tour tandis que sa forme sphérique se redéfinissait peu à peu - jusqu'à devenir celle d'un homme. Ou d'un dieu. Pour Vegeta, cela ne faisait plus de différence désormais, car il était l'un et l'autre à la fois - et tellement plus en même temps.

« Bien joué, petit. » retentit une voix aisément reconnaissable - et en même temps profondément différente de ce qu'elle avait pu être. « Je prends le relais. »

Et à cet exact moment, le bourreau du courageux jeune homme fut frappé en plein dos par un phénoménal faisceau d'énergie purpurine qui le projeta sur plusieurs centaines de mètres, sans commune mesure avec tout ce que n'importe qui avait pu lui adresser au cours de ce très long combat - de cette lutte interminable dont il était désormais clair qu'il ne ressortirait pas vivant.
Car là où le Genkidama s'était abattu se tenait désormais la silhouette érubescente d'un guerrier capable de le vaincre - d'un Vegeta plus imposant qu'il ne l'avait jamais été, en dépit du fait que sa masse musculaire ait apparemment diminué ; car c'était là le genre de respect qu'inspiraient les êtres qui, à son instar, pouvaient prétendre à se tenir dans les cieux.
Car le Super Saiyan God n'était pas ainsi nommé par simple arrogance.

Bougeant avec une aisance et une célérité inouïes sans pourtant paraître se presser le moins du monde, il vint se placer à proximité du point de chute de sa victime, alors que celle-ci devait encore se demander ce qui venait de se produire - n'avait pas encore réalisé à quel point la situation lui avait échappé, cette fois pour de bon.

« Des choses à me reprocher, tu dis ? C'était peut-être vrai autrefois, mais je ne suis plus le même homme désormais. Je ne réussirai peut-être jamais à faire oublier le mal que j'ai fait, mais j'essaie de devenir quelqu'un de meilleur. » Le prince sourit, dévisageant son adversaire d'un air triomphant, pourtant plus placide qu'il ne l'avait jamais été. « Mais c'est quelque chose que tu ne peux pas comprendre. Tu es trop mauvais pour espérer pouvoir te repentir. C'est pour ça que tu vas disparaître aujourd'hui. »

Enfin, il serra les poings et adopta à nouveau une posture de combat, se préparant à mettre à l'épreuve son nouveau pouvoir - celui créé par tous ceux qui, à travers tout l'univers, avaient donné de leur énergie pour sauver la Terre. Ceux dont il portait désormais les espoirs malgré lui.
Et malgré ses sentiments conflictuels envers cette puissance qui n'était pas la sienne, il portait en lui la responsabilité de l'employer à bon escient - d'en faire ce pourquoi elle leur avait été donnée, même si c'était la dernière chose qu'il faisait.

« Prépare-toi ! » prévint-il, tout en sachant pertinemment que ça ne lui laisserait pas le temps de se mettre en garde - ni de ça, ni de rien d'autre. La distance entre eux fut anéantie en un instant, le temps d'un souffle et même moins ; revenu au contact, le prince plongea son poing dans l'abdomen de son ennemi, et avec lui la majeure partie de son avant-bras ; l'impact le traversa de part en part et même plus - infiniment plus.
L'onde de choc démentielle qui en résulta fusa à toute allure en ligne droite, renversant les bâtiments et creusant des montagnes, atteignant et franchissant l'atmosphère terrestre, poursuivant sa trajectoire dans les profondeurs de l'espace jusqu'à finir sa course contre une des lunes d'une planète lointaine, au-delà de ce que les sens pouvaient percevoir, la faisant exploser aussitôt.
Une lueur de surprise passa brièvement dans le regard écarlate du prince transcendé ; même lui ne s'attendait pas à une telle efficacité. Le sourire confiant qui s'installa ensuite sur ses traits apaisés suggéra cependant qu'il devrait pouvoir s'en accommoder, au moins le temps d'en terminer avec toute cette affaire.

« Excuse-moi, je ne suis pas encore habitué... Allons un peu plus loin, tu as déjà fait assez de mal à cette pauvre planète. Passe en premier, tu veux ?! »

Sans lui laisser le choix, il lui décocha un violent coup de pied ascendant en plein visage, l'obligeant à décoller - à traverser le ciel et les nuages plus vite qu'il ne pouvait en revenir dans son état, transformé malgré lui en véritable fusée humaine. Le prince ne le laissa cependant pas partir seul, le poursuivant tout au long du trajet, lui décochant une nouvelle frappe à chaque fois qu'il essayait de s'immobiliser ou faisait mine de ralentir, se servant de chacun de ses angles morts pour lui faire le plus de mal possible.
Pour lui faire sentir - pour ne pas le laisser ignorer - qu'il était désormais son égal, ne serait-ce que pour un bref instant ; que l'un de ces « mortels pitoyables » qu'il semblait tant haïr s'était hissé à son niveau, même si c'était le fruit d'un accident. Pour qu'il sache, qu'il sache comme il n'avait rien su d'autre que cette « divinité » dont il était si fier était désormais une arme entre les mains de Vegeta, et que celui-ci n'avait aucun scrupule à la retourner contre lui.
Et s'il faisait de son mieux pour concentrer sur lui toute cette force - pour que Black soit le seul à la subir -, il n'en était pas suffisamment maître pour empêcher les secousses qu'il provoquait de déchaîner les éléments sur leur passage. Les orages et les tempêtes se répandaient aléatoirement aux quatre coins du globe en réponse à cette vengeance - cette colère divine.
Les rafales d'énergie fusèrent en tous sens, ici un Galick Gun, là un Kamehameha obscur, chacun amplifié plus que de raison par leur nature divine, constellant le firmament comme autant d'étoiles dévastatrices ; même à cette distance, leur détonation était étourdissante, et chaque fois qu'elles s'entrechoquaient, la réalité elle-même semblait se mettre à trembler de peur de ce qui pourrait lui arriver.
En à peine quelques secondes, à force de projections, la voûte étoilée s'ouvrit devant eux alors qu'ils n'avaient plus accès qu'aux dernières bribes d'oxygène qui subsistaient encore à cette altitude. C'est le moment que le prince choisit pour saisir son adversaire par la gorge, usant de l'autre main pour arrêter son bras alors qu'il tentait de le poignarder en plein torse au moyen d'une de ces lames de ki. L'une de ses armes de prédilection, et pourtant même elle était impuissante à lui infliger le moindre dommage.

« Ça ne sert à rien. » dit le prince des saiyans avec un calme souverain - olympien, pourrait-on dire -, que son aura flamboyante protégeait des inconvénients inhérents au fait de se trouver aux abords du vide spatial. « Abandonne ! Tu perds ton temps. Il n'y a pas de place pour quelqu'un comme toi ici... »

Sur ces bonnes paroles, il tordit brusquement son bras captif dans le but avoué de le rompre une bonne fois pour toutes, y administrant un fulgurant coup de genou dont la déflagration fila au loin et manqua de peu de mettre la Lune en pièces une nouvelle fois. Il n'était pas question de le laisser se remettre, pas même pour l'humilier encore plus ; Vegeta était trop serein pour se laisser troubler par le péché, que ce soit la colère ou l'orgueil. Il était au-dessus de cela désormais - se devait de l'être, pour être le dieu qu'on avait fait de lui.
Le Dieu des Saiyans.
Il le vit alors porter la main à son front dans un geste qui - malheureusement pour lui - était parfaitement identifiable pour le prince, qui avait régulièrement eu affaire à cette technique, que ce soit pour être transporté ou dans le cadre de duels d'entraînement. Or, il n'allait pas le laisser s'en tirer si facilement, d'autant qu'il savait mieux que quiconque qu'il suffisait de toucher l'utilisateur pour être emmené avec lui où qu'il aille. Une réactivité qu'il s'était entraîné à avoir pour ne jamais être pris en défaut par ce maudit Déplacement Instantané.
Ce dont il fit immédiatement la démonstration en lui encastrant toutes les phalanges de sa main droite dans le nez d'un solide crochet juste assez longtemps pour qu'ils soient transportés tous les deux - et reviennent ainsi sur Terre des dizaines de kilomètres plus bas, à proximité de l'endroit d'où ils étaient venus à l'origine. Sans doute prévoyait-il de revenir s'en prendre à Shin en son absence, que ce soit pour le tuer ou le prendre en otage.
À plusieurs reprises, il tenta de répéter la manœuvre, de le semer, mais à chaque fois, le prince parvenait à l'accrocher au dernier moment - parfois de simples éraflures, parfois des blessures dont il aurait du mal à se remettre, les faisant apparaître et disparaître et aléatoirement de tous les côtés du champ de bataille. Le plus difficile n'était finalement pas tant de le suivre que d'éviter que les attaques qu'il lui portait pour s'improviser passager clandestin ne fendent pas en deux le continent.
Las de ce petit jeu, Vegeta décida d'y mettre un terme en saisissant fermement sa main pour écraser les doigts à l'aide desquels il guidait sa téléportation, le gratifiant d'un virulent coup de boule dans le même élan par mesure de précaution - dont le choc fora immédiatement un nouveau cratère sous leurs pieds, faisant souffler aux environs un vent de destruction. Dressé de toute sa hauteur, le prince continuait de briller de mille feux - de brûler, tant son ki semblait n'être plus qu'une flamme inextinguible le consumant tout entier.
Son opposant tenta alors de le saisir et il lui refusa ce plaisir, interceptant sa poigne de la sienne, se lançant avec lui dans une pure compétition de force - et le simple fait qu'ils s'opposent de la sorte suffit à ébranler leur environnement, les faisant s'enfoncer dans la terre jusqu'à finalement en crever la surface et passer en-dessous, emmenant leur affrontement se poursuivre dans les tunnels souterrains du métro de la Capitale de l'Ouest, des étincelles dansant tout autour d'eux alors que chacun refusait de céder le moindre pouce de terrain.

« C'est fini ! Je ne te laisserai plus faire ce que tu veux ! » s'exclama-t-il, impérieux.

« JE NE TE LAISSERAI PAS DÉTRUIRE MON MONDE ! »

« Tu ne décideras plus de rien, tu m'entends ? Tu en as abandonné le droit quand tu as décidé de t'en prendre à ma famille. Tu as signé ton arrêt de mort ! »

Sans succès, heureusement ; s'il déplorait d'avoir perdu son foyer et son confort, ce n'était jamais qu'un amas de briques - rien qui ne puisse être reconstruit ou remplacé.
Mais il ne laisserait plus jamais personne prendre la vie des siens, ni lui ni un autre, encore moins maintenant qu'il avait les moyens de l'en empêcher. Qu'il avait les moyens de tout, en vérité ; absolument tout. À qui détenait le pouvoir d'un dieu, rien n'était impossible. Il pouvait littéralement modeler la réalité - faire ce qu'il voulait.
Et cela commençait par éliminer son adversaire pour s'assurer qu'il ne soit plus jamais un problème. Car il n'avait jamais prétexté être un dieu bienveillant, encore moins envers les ordures dans son genre.

« C'est terminé pour toi. Tu vas mourir ici ! »

Peut-être son adversaire aussi était-il un dieu, finalement - une revendication qu'il attribuait jusque là à sa folie des grandeurs, mais qui paraissait bien plus crédible maintenant qu'il pouvait sentir son aura semblable à la sienne. Comment l'était-il devenu ? Qu'avait-il fait pour obtenir ce pouvoir ? Il doutait fort qu'il l'ait reçu dans les mêmes circonstances, alors à qui avait-il bien pu le voler ?
Qu'importe ; ce n'était là qu'un de ses nombreux crimes, un de plus sur la liste déjà trop longue de ceux pour lesquels il devait être châtié.  Il n'y avait plus de salvation pour lui, plus d'espoir de rédemption ; c'était sans regrets que Vegeta prendrait sa vie, l'envoyant rejoindre tous ceux qui, avant lui, avaient eu le malheur de lui causer du tort.
La tâche qu'il accomplissait en essayant de le tuer - en employant cette force nouvelle à effacer toute trace de son existence - dépassait son simple désir personnel ; c'était un service rendu à la galaxie, à l'univers, peut-être même à la Création entière. Par ce geste, il œuvrait à préserver l'équilibre, à faire en sorte que tout - tout ce qui est, tout ce qui fut et tout ce qui sera - reste tel qu'il était censé être ; tel que les forces qui en étaient à l'origine l'avaient souhaité autrefois. Il était l'instrument de la volonté divine. Et cela procurait un sentiment grisant d'accomplissement.
...Un sentiment qui ne lui appartenait pas, qui n'aurait pas dû avoir sa place dans la psyché. N'avait-il pas souffert d'être l'outil de quelqu'un d'autre ? Sa conscience - subjuguée, sublimée - occulta promptement cette réflexion, bien dérisoire comparée à la grandeur du dessein qu'il servait désormais. Qu'est-ce que ses ambitions mortelles à côté d'un tel Grand Œuvre ?

« Cesse de te débattre. » asséna-t-il au milieu d'un de leurs échanges de coups défiant l'imagination - où, cette fois, c'était à lui de prendre l'avantage lentement mais sûrement ; rasséréné et revigoré par cette nouvelle transformation, cette nouvelle manière d'être, il savait n'avoir rien à craindre de lui, quand bien même ils maniaient un pouvoir similaire. « Tu as déjà perdu, pauvre idiot ! Tu ne vois pas que tu n'as aucune chance ? »

Il avait encore toutes ses forces - et plus, infiniment plus avec toutes celles qui lui avaient été données - alors que l'usurpateur voyait les siennes s'étioler un peu plus à chaque coup donné ou reçu. Déjà, le rose vif de son aura semblait plus terne, comme s'il perdait peu à peu de sa superbe, de sa flamboyance.
De sa vie, tout simplement.
Car ce monstre ne quitterait pas ce champ de bataille sans l'y avoir laissée, déposée à ses pieds. Le prince en faisait le serment.
De son côté, si les attaques reçues l'atteignaient bel et bien - faisaient naître de nouvelles blessures, de nouvelles brûlures sur son corps pourtant restauré -, ce n'était que très temporaire, toutes s'estompant presque aussitôt alors que l'énergie dont il regorgeait s'attelait à les faire disparaître. Alors que rien ne semblait avoir de prise pour lui, quelle raison y avait-il encore de ne pas le croire invincible ?

Désormais enfoncé dans les entrailles de la Capitale de l'Ouest, de ses ruines encore fumantes, il luttait de toutes ses inénarrables forces - les siennes et celles qui continuaient de s'y ajouter, de mieux se fondre en lui à chaque seconde - pour faire obstacle à ce fléau ; pour mettre un terme à son élan et à tous ses projets perfides comme il aurait dû le faire la première fois qu'il en avait eu l'occasion.
Il ne savait toujours pas d'où il sortait, comment il avait pu accumuler autant de force sans que nul n'en sache rien alors même qu'il portait le visage du sauveur de l'univers, mais tout ce qui comptait dans l'immédiat était qu'il soit en mesure de lui faire face - et même de faire mieux que ça. D'en finir !

Le souterrain dans lequel ils avaient tous les deux atterris ne résista pas à la déflagration produite par son adversaire, volant en éclats et ouvrant une titanesque crevasse au beau milieu de la ville déjà partiellement rasée par leur affrontement. S'il disparut peut-être un bref instant au milieu des décombres, le prince ne fut pas long à réapparaître, venant se placer derrière son ennemi en bougeant à toute vitesse sans même lui laisser le temps d'espérer qu'il ait pu le toucher sévèrement. Même ce plaisir aussi mensonger qu'éphémère était plus que ne méritait une vermine de son espèce.

« Tu ne sais même pas de quoi tu parles. Je te plains ! Mais je comprends... Un moins que rien tel que toi n'est jamais le bienvenu nulle part. Rien ni personne ne veut de quelqu'un comme toi ! Ne t'en fais pas, je suis sûr qu'ils seront ravis de t'accueillir en Enfer ! »

Bien sûr qu'il avait un monde. Et il se battait pour le défendre à cet instant. Lui et toutes les vies qu'il portait en son sein - tous les espoirs et les rêves de ceux qui y vivaient. Ceux-là même qui avaient fait de lui ce qu'il était devenu pour mener ce terrible combat. Au milieu des airs, il s'engagea avec son opposant dans un énième ballet mortel, rendant coup pour coup, poing contre poing, lame contre lame ; il ne lui laissait le dessus sur aucun domaine, refusait catégoriquement de céder ne serait-ce qu'un pouce de terrain, de lui donner plus qu'il n'avait déjà pris. C'était déjà bien assez ; trop, à vrai dire, et il allait le payer.

« Tu leur passeras mon bonjour quand tu y seras ! Et je préfère te prévenir, ne t'avise pas d'en ressortir... Je t'y renverrai autant de fois que nécessaire, tu as compris ?! »

Franchissant progressivement toutes les unités de mesure de vitesse connues de l'homme, se dépassant l'un l'autre à chaque instant, ils approchaient de plus en plus d'un terrain inconnu - des extrêmes jusqu'auxquels nul mortel n'était jamais allé ; que même les Dieux et les Anges n'abordaient qu'avec précaution.
Chaque contact, du plus brutal des impacts au plus petit frôlement projetait des vibrations jusqu'aux confins du cosmos, éteignait des soleils et faisait naître des mondes, agitant les étoiles elles-mêmes, car un tel duel ne pouvait avoir lieu sans que l'univers entier s'en trouve changé à jamais. Puisse rien de précieux n'en être affecté, mais ce serait bien pire encore s'il ne faisait rien pour l'arrêter.
Vegeta commettait bien sûr des impairs ici et là, continuant de s'adapter dans le feu de l'action - de mesurer sa vaste expérience guerrière à ces pouvoirs d'un genre nouveau, qu'il n'aurait pas même pu imaginer avant de les avoir -, mais il apprenait rapidement, forçant la porte du domaine divin à la sueur de son front jusqu'à pouvoir y entrer de plein droit.

Le temps lui-même semblait se distordre aléatoirement, peinant à suivre le rythme, ralentissant soudain alors que les phalanges du prince éraflaient le visage tuméfié de son ennemi, accélérant brutalement alors qu'un coup au diaphragme lui faisait perdre son souffle pendant une zeptoseconde, sans savoir de quel côté pencher pour de bon ; s'il fallait cette folie furieuse autant que faire se peut ou, au contraire, la mener à terme le plus rapidement possible. Aucune option ne semblait enviable pour les concepts régissant la réalité elle-même, qui ne pouvaient guère que s'accrocher et espérer survivre à ce choc des titans.

Et si Vegeta était déjà un combattant efficace d'ordinaire, cherchant à tuer à la première occasion - d'autant plus depuis le fiasco Cell ; il avait bien appris sa leçon - qu'à faire durer le combat inutilement, sa nouvelle condition indicible semblait le pousser à l'être encore davantage, à s'assurer que la moindre frappe envoyée fasse un maximum de dégâts. Que tout ce qu'il faisait le plus infime de ses gestes, la moindre de ses respirations - le rapproche autant que faire se peut de son objectif. De la conclusion de toute cette sombre histoire. Du point final qu'il serait le seul à écrire.
Ce que la force d'un dieu lui inspirait, hein ? Repoussant après avoir trop subi l'ultime charge de cette série d'attaque d'un kiai surpuissant, Vegeta se tint fièrement où il était, ses plaies cicatrisant déjà grâce à ce même halo écarlate qui ne cessait d'ondoyer autour de lui.

« Je ne suis pas impressionné. » rétorqua-t-il avec un sourire mesquin. « C'est moins facile quand on doit se battre à armes égales, pas vrai ? Tu ne sais plus quoi faire dès qu'on te résiste ! Tu es pathétique ! »

Car quoi que fasse l'usurpateur, soit il s'en défendait avec brio, soit il s'en remettait avant même que celui-ci n'ait eu le temps d'enchaîner. De toute évidence, il n'était pas préparé à affronter un adversaire à son niveau, encore moins dans un état de fatigue aussi avancé que celui qui était désormais le sien - et le prince n'avait, évidemment, aucune intention de le laisser se reposer. Il n'y aurait pas d'excès de confiance cette fois, pas de clémence intéressée, pas de remise à plus tard - en d'autres termes, pas d'autre combat : ce serait le dernier. Il n'aurait pas la chance de revenir plus fort. Jamais.
Le dieu maléfique était acculé, cela se sentait de plus en plus dans sa façon de combattre ; à ce titre, il n'était pas étonnant de le voir recourir à des stratagèmes eux-mêmes de plus en plus fourbes, à mesure qu'il prenait conscience que la force brute ne le mènerait plus tard - si ce n'est droit dans la tombe.
Sur ses gardes - car ce n'était après tout pas la première fois qu'il devait se mesurer à un individu sur la défensive usant de méthodes lâches -, Vegeta ne perdit temporairement l'usage que d'un seul œil dans l'explosion de lumière ; si cela créa bien un angle mort que son vis-à-vis s'empressa d'exploiter, au moins était-il libre de contre-attaquer immédiatement, tendant de lui lacérer la gorge à l'aide de sa Spirit Sword. S'il échoua - hélas - à le décapiter, au moins égratigna-t-il sa carotide suffisamment pour lui faire comprendre qu'il avait frôlé la mort, malgré ses belles paroles et ses grands discours.
Peut-être que même les « vrais dieux » pouvaient mourir, après tout.
Quant à la salve d'énergie qui s'ensuivit, le prince passa tout simplement à travers - fendant chacun des projectiles d'un large coup de taille, provoquant leur explosion immédiate. Tournoyant dans les airs à une vitesse vertigineuse - qu'aucun œil, humain ou céleste, n'aurait pu suivre avec aisance -, il se projeta vers son opposant et lui lacéra le torse d'un coup oblique de l'épaule à la hanche, tailladant les vêtements, la chair et les os et peut-être même un peu de son énergie à l'aide de cette lame que son élévation rendait plus tranchante que jamais. Les nuages sombres eux-mêmes s'écartèrent, tranchés en leur centre.

« Le destin ? Ne me fais pas rire ! »

C'est pourtant à cet instant qu'il choisit de dissiper son arme pour recouvrer l'usage de son poing, et abattre celui-ci dans les côtes déjà fragilisées - si ce n'est rompues purement et simplement - de son ennemi. Misant sur la douleur intense qu'il venait de lui infliger pour le distraire, il l'attrapa par les cheveux et, dans un nouvel élan, se propulsa avec lui vers l'un des rares immeubles encore intact.
Le simple fait d'y entrer à pleine vitesse - en traversant la façade - suffit à le faire basculer ; néanmoins, ils en parcoururent les étages un à un avant qu'il n'ait le temps de choir complètement, Vegeta l'entraînant à sa suite contre son gré et s'en prenant à lui de plus belle à chaque nouveau niveau, ici tentant de l'empaler sur la statue qui en ornait le hall d'entrée, là le jetant à travers les murs et les câbles électriques, détonations et bruits d'impact jaillissant des fenêtres au verre déjà brisé. C'était une chance que ces constructions aient été évacuées avant même son arrivée.
Quand enfin ils crevèrent le dernier plafond et traversèrent le toit comme s'il était fait de papier ce faisant, Vegeta le rejeta abruptement contre ce dernier, l'envoyant s'écraser dans un distributeur automatique et nimbant immédiatement ses mains désormais libres d'une lueur blanche aveuglante parsemée d'étincelles. Si cette technique était déjà impressionnante de par son volume d'ordinaire, l'addition de ses nouvelles facultés la magnifiait encore à un point inquantifiable, décuplant - non, centuplant ; peut-être même plus - la taille qu'elle prenait avant même son lancement, faisant presque de lui un soleil de remplacement tant il irradiait de lumière.

« Ton destin, VOILÀ CE QUE J'EN FAIS ! »

Sans lui accorder le moindre répit, il fit feu immédiatement, libérant un faisceau assez large pour englober tout le bâtiment et avec lui l'être maléfique qu'il y avait emmené, ne lui souhaitant que d'être transpercé à mort par le métal avant que son attaque ne l'anéantisse - dans son propre intérêt. Pour faire bonne mesure, à son tour, il ajouta à cela un tir en rafales de manière à l'enfoncer de plus belle - lui ou son cadavre - au milieu des débris.
Mais ce n'était pas la fin, non ; désormais entré dans la même sphère de pouvoir que lui, le prince pouvait très distinctement suivre les mouvements de sa proie, à commencer par celui qu'il fit pour jaillir des décombres et prendre la fuite - du moins en apparence.
Il ne lui laissa pas cette chance, lui tombant dessus à toute allure avant qu'il ait pu aller très loin pour essayer de le clouer au sol ; hélas, le premier concerné se rendit compte de son approche et se retourna à temps pour le recevoir avant qu'il ait pu l'épingler, les menant à croiser l'épée une nouvelle fois avant que la poussière de l'effondrement ne retombe - en fait, avant même qu'elle ait pu commencer à s'élever. Tout allait beaucoup trop vite.
Les attaques à la lame se mirent à pleuvoir d'un côté comme de l'autre, et le terme n'était pas excessif, le nombre de coups portés excédant le nombre de gouttes que comportait la pire des averses - dépassant l'entendement, tout simplement. Chaque mouvement qui manquait sa cible - qui n'était pas contré avec minutie - découpait le monde autour d'eux, fendant le sol plus profondément qu'on ne pouvait le deviner, fort heureusement sans atteindre le noyau terrestre - mais sans doute s'en fallait-il de peu. Cela ne pouvait plus durer, ou la Terre en pâtirait. Et s'il était toujours au summum de sa puissance, il pouvait sentir que cela ne serait plus le cas longtemps.

« FINISSONS-EN ! » s'écria donc Vegeta - avant de laisser, contre toute attente, son ennemi lui traverser le flanc de sa lame ; l'y coincer. Juste assez longtemps pour lui permettre de riposter - de lui planter la sienne en travers de l'estomac, sans pouvoir en réchapper cette fois. Aussitôt fait, le prince fit pivoter vivement son poignet avant d'ôter son épée d'énergie, retournant littéralement le couteau dans la plaie pour occasionner un maximum de dommages internes, en dépit du sang qu'il cracha lui-même abondamment à travers ses dents serrées. Toute la régénération - provisoire ; en restait-il seulement ? - dont il pouvait disposer ne rendrait pas cela moins douloureux, mais si c'était le prix de la victoire, il le payait bien volontiers.

« MEURS, POURRITURE ! »

Tout transcendé qu'il soit, Vegeta pouvait sentir cette puissance supérieure desserrer lentement son étau sur sa conscience, ôter le voile indicible qu'elle avait jeté sur ses pensées - ce qui signifiait qu'elle était en train de s'épuiser. Cela n'avait rien d'étonnant : ce pouvoir était trop démesuré pour durer, d'autant qu'il l'avait obtenu par pur accident. S'il voulait finir ce combat avant qu'il ne le quitte, avant qu'il - aussi rageant que ce soit - ne perde avec lui toutes ses chances d'en finir, il allait devoir l'employer à bon escient.
Par chance, son adversaire perdait lui aussi ses moyens, décontenancé d'avoir été égalé, rattrapé, rejoint sur son propre terrain - à un niveau qu'il pensait être le seul à pouvoir posséder. Force était de constater qu'il n'en était rien, mais cela, le prince le savait déjà ; après tout, même si ces sensations n'étaient alors qu'à moitié les siennes, il avait déjà connu cette allégresse sous la forme de Vegeto ; quelque part au fond de lui, il savait comment s'en servir, et il pouvait s'en rappeler s'il se concentrait suffisamment.

Tenter de se rappeler de ce qu'il avait vécu après avoir fusionné - dans cet état de conscience combinée, où il était là sans l'être - était une sensation troublante, comme tenter de se rappeler d'un rêve ou d'un délire fiévreux.
C'était comme si son esprit lui-même, maintenant qu'il était à nouveau isolé et indépendant ne voulait pas - ou ne pouvait pas - en retrouver tous les détails ; comme s'il n'était pas à même d'appréhender pleinement ce qu'il était, qui il était au moment où il avait vécu toutes ces choses. Comme si quelqu'un d'autre lui avait raconté ces moments alors pourtant qu'il les avait vécus lui-même et qu'il peinait à réconcilier les deux versions.
Non, définitivement, cela n'avait rien de plaisant - mais il ne faudrait rien de moins s'il voulait abattre l'ennemi une bonne fois pour toute.

Alors il le fit. Il canalisa tout ce qu'il pouvait retrouver en lui de cette union - de ces moments où il avait encore cédé aux caprices de son rival -, de puiser dans la mémoire fragmentée de cet être qui était lui sans l'être, de contrôler cette force comme ils l'avaient fait quand ils n'étaient qu'un seul homme.
Après tout, cette épée d'énergie qu'il maniait - qui n'avait de cesse de s'entrechoquer avec celle de son opposant alors qu'ils poursuivaient leurs courses à travers ciel dans un déluge d'étincelles, un festival de lumières - n'était pas la sienne au début ; qu'il l'ait conservée pour son propre usage en disait sans doute plus qu'il ne voulait bien l'admettre.
Et c'est en faisant appel à tout cela qu'il fut en mesure d'utiliser cette attaque à son plein potentiel. De lui donner toute son ampleur - toute sa portée.

« Reviens ici ! » s'était-il écrié en voyant sa cible essayer de s'écarter, de le fuir, plein d'une fureur ranimée - sa sérénité d'emprunt s'étiolait en même temps que son état divin, le rendant à ses vrais sentiments, comme l'on sortirait d'une anesthésie.

S'était-il rendu compte que son aura perdait de son éclat ? Que le rouge de sa chevelure était moins brillant qu'il ne l'était encore l'instant d'avant ? Que s'il faisait trainer ce combat assez longtemps, réussissait à tenir bon, il n'aurait à nouveau plus face à lui qu'un simple mortel - qu'il pourrait l'exterminer enfin ?
Vegeta ne laisserait pas cela arriver - refusait de lui en laisser le temps. De le laisser encore s'en tirer, de causer plus de tort. De répandre le mal partout où il allait.
Et alors qu'il perdait en rapidité, que l'imposteur lui semblait toujours plus loin, plus hors de portée de la lame qu'il brandissait avec une telle ferveur, celle-ci entendit sa demande et exauça sa prière.
Elle grandit.

Oui, soudainement, elle avait grandi et traversé son ennemi, d'une manière qui n'était pas sans rappeler celle dont Vegeto avait, à l'aide de cette même technique, perforé Buu il n'y a pas si longtemps, les deux scènes se superposant dans la pensée du prince à cet instant dans une désagréable impression de déjà vu.

Son ennemi lui-même n'en revenait pas, fixant avec stupéfaction la plaie béante qui venait de s'ouvrir au milieu de son corps, pleinement visible après que l'arme qui en était à l'origine se soit volatilisée. Stoïque, le prince sa garde jusqu'à être sûr - parfaitement sûr - d'avoir porté le coup de grâce. Même si tous ses sens le lui indiquaient déjà, ce n'est donc que quand sa victime bascula sur le dos qu'il s'autorisa à se relâcher.
C'était fini. Il avait gagné.
Avait défié un dieu maléfique et en était sorti victorieux.
Encore drapé de ses propres attributs célestes, il toisa durement l'imposteur alors que celui-ci proférait des élucubrations confuses au sujet d'un autre fléau. Peut-être l'un de ses alliés ? Non, il semblait véritablement troublé, comme si le simple fait de prononcer son nom le rendait fébrile - plus que ne le faisait déjà le fait d'être à l'article de la mort.
Vegeta s'approcha pour mieux entendre ce qu'il avait à lui dire, non sans rester alerte au cas où il s'agirait d'un énième coup fourré.

« Même après tout ce que tu as fait, Kakarot aurait sans doute voulu t'épargner. Te donner une seconde chance, ne serait-ce que pour te combattre à nouveau... »

Car après tout, ne l'avait-il pas fait encore récemment pour cet exemplaire obèse de Buu ? Et plus tôt pour cette ordure de Freezer ? Pour lui ? Pour Piccolo même avant cela ? Et qui sait combien d'autres encore... Pour sa part, le prince préférait ne pas le savoir.
Le Saiyan élevé sur Terre avait peut-être fini par apprendre sa leçon, mais il lui avait fallu bien des années pour apprendre que tout le monde ne pouvait pas être pardonné. Et il était difficile de lui donner tort sur toute la ligne : s'il n'avait pas fait preuve de clémence, n'avait pas tendu la main à ceux qui n'avaient rien fait pour le mériter, ses pires ennemis n'auraient pas pu, au fil des ans, devenir ses meilleurs alliés.

« Mais il n'y a rien à faire... J'ai beau essayer de suivre son exemple... »

Lorsque Black tenta de l'agripper, le prince ne fit rien pour se soustraire à son emprise, désormais persuadé qu'il n'était plus capable de lui faire le moindre mal. S'il pouvait déjà percevoir l'énergie, le prisme divin à travers lequel il voyait le monde désormais - pour le peu que cela durerait encore - lui permettait de discerner avec une acuité accrue le déclin inéluctable de ses dernières forces, telles une flamme ballotée par le vent.
L'idée le traversa que s'il en finissait ici et maintenant, il n'aurait sans doute jamais de réponse à ses questions - ne saurait jamais pourquoi il portait les traits de Kakarot ni comment il s'en était emparé, ce qu'il espérait accomplir en lui volant son identité. Ce qu'il était advenu de ses alliés ou ce qu'il prévoyait de faire avec le palais de Dieu et ses habitants - et ce n'était que ce qui lui venait actuellement.
Néanmoins...

« ...Je ne suis pas aussi gentil que lui. »

D'un geste sec, il força l'usurpateur à relâcher sa prise en lui saisissant à son tour l'avant-bras de la main opposée à celle qu'il tenait. Profitant de la libération de cette dernière, il la braqua sur lui en même temps qu'une flamboyante sphère d'énergie, investie de tout ce qu'il lui restait de cette force empruntée.
Car Kakarot ne savait pas ce que ça faisait d'être visé personnellement. N'avait sans doute jamais vu sa maison être détruite, sa femme et son fils - ses fils - être menacés sans qu'ils n'aient accepté les risques en prenant part au combat. Non, cela, quoi qu'il puisse avoir à dire, Vegeta ne pouvait pas le pardonner.
Pas plus qu'il ne pouvait pardonner à ce monstre d'avoir souillé leur rivalité en volant le visage de celui qu'il considérait comme son plus grand adversaire - mais aussi comme son meilleur ami.

« ADIEU ! »

Dans cet ultime cri, dans cette dernière exclamation, il lança son attaque - et pulvérisa son adversaire, réduisant à néant ce corps, cette enveloppe qu'il n'aurait jamais dû posséder. Le renvoya dans l'oubli, lui et tous ses secrets, lui et son vice sans limite, lui et ses obscures mises en garde ; s'il voulait en apprendre la teneur, il le ferait par ses propres moyens. Il n'avait plus besoin de lui, pas plus que ce monde n'en avait besoin - qu'il n'avait besoin d'un « Son Goku » qui ne soit pas « Son Goku ».

Encore debout face au cratère fumant qu'il venait de créer en désintégrant l'imposteur, Vegeta se redressa de toute sa hauteur et, après une grande inspiration, laissa soudain exploser son ki rougeoyant dans une intense déflagration. Une onde de choc se répandit alors qu'il laissait exploser son pouvoir autour de lui, le projetait aussi intensément qu'il le pouvait dans un long hurlement. Le purgeait, en vérité - expulsait de lui cette puissance qui n'avait rien à y faire, qui n'était pas la sienne et l'avait changé en quelque chose qu'il n'aurait pas dû devenir.
À force de secousses, les nuages obscurs qui encombraient encore le firmament finirent par être repoussés, dispersés à leur tour, purifiés par les dernières étincelles de cette divinité imaginaire. Un ciel bleu reprit sa place, permettant au soleil de répandre ses rayons sur les ruines de la Capitale de l'Ouest.
De la même manière, l'écarlate quitta ses cheveux pour leur rendre leur blondeur - puis leur noirceur - naturelle, et alors enfin le prince redevint pleinement lui-même... Avec tous les inconvénients que cela pouvait avoir. S'il n'était pas épuisé au point de s'effondrer sur place, les innombrables douleurs dont était transi son corps se réveillèrent une à une, au point de lui donner le vertige. Même s'il n'avait aucune plaie ouverte, aucune blessure grave, cela ne voulait pas dire qu'il en était sorti indemne, loin de là.
Ravalant un râle de souffrance qui l'obligea à serrer les dents, grimaçant, il porta la main à son bras gauche, blessé comme il l'avait déjà trop souvent été.

« Ça y est, c'est terminé... » fit-il alors même que personne ne pouvait l'entendre, comme pour s'aider à lui-même intégrer cette réalité.

Ce triomphe pour l'humanité.

À la vitesse où ils allaient et proches comme ils l'étaient déjà des lieux de l'affrontement, il ne fallut pas longtemps à tous les trois pour se rendre au chevet des blessés. C'était tant mieux, car la plupart d'entre eux avaient certainement besoin de soins urgents : s'il percevait bien quelques énergies ici et là, celles-ci n'étaient sans doute pas loin de s'éteindre. Revigoré par l'annonce de cette victoire improbable, Krillin fut le premier sur les lieux, mais il entendit les pieds de Piccolo et Tienshinhan toucher le sol moins d'une seconde après lui.

« Vegeta ! Est-ce que ça va ?! »

Paradoxalement, en dépit du fait que ce soit lui qui ait mené la dernière charge, le prince des Saiyans était peut-être encore le moins mal en point - ne serait-ce que parce qu'il était encore capable de tenir debout, un luxe que n'avait aucun des autres rescapés.
Certes, sa tenue était en lambeaux, il était couvert de contusions et son bras pendait piteusement le long de son flanc - une posture dans laquelle l'ancien moine avait l'impression de le voir régulièrement -, mais à part ça, il ne semblait pas être dans un état trop préoccupant. En tout cas bien moins que certains de ceux qui s'étaient battus à ses côtés.
D'une certaine manière, c'était tant mieux : ce n'était pas le « patient » le plus facile à soigner, et il n'était pas rare qu'il n'accepte même les haricots magiques que de mauvaise grâce. Encore qu'épuisé comme il devait l'être après avoir disputé un tel combat - il n'était pas excessif de parler de choc des titans -, peut-être n'avait-il même plus la force de protester si on lui en fourrait un dans la bouche contre son gré. Quoi qu'il en soit, ça pouvait attendre !

« Je vous laisse vous occuper de lui ! Je vais chercher les autres ! » prévint-il ses deux compagnons avant de bondir, sans leur laisser le temps de s'y opposer.

Après tout, Tienshinhan et lui ayant pris part au début des hostilités, ils étaient bien placés pour savoir combien de personnes - ou, hélas, de corps - ils étaient censés trouver, et les visages qui y étaient associés. Une tâche qui risquait de s'avérer particulièrement compliquée dans le cas de l'amie cyborg qu'Uub avait ramenée avec lui, celle-ci ne dégageant aucune énergie en permanence. Ils risquaient de devoir soulever beaucoup de débris avant de remettre la main dessus...
Et d'ailleurs, Uub, où était-il ? Puisqu'ils étaient eux-mêmes en train de se battre au même moment, Krillin n'avait pas pu suivre tout ce qui s'était passé, mais il lui avait semblé sentir sa présence pendant la majeure partie du combat - et ce presque jusqu'au moment où ils étaient revenus y assister visuellement.
S'était-il effondré après avoir produit ce gigantesque Genkidama ? Ce ne serait pas très étonnant, manipuler une concentration d'énergie aussi importante avait dû le vider de ses forces...
C'était sans aucun doute le plus conséquent qu'ils avaient vu jusqu'alors, plus grand même que celui qui avait eu raison de Majin Buu. L'élève de Son Goku avait toutes les raisons d'en être fier, même si ça n'avait hélas pas suffi à mettre à mort leur ennemi sur le moment. S'il l'avait atteint directement, comment ce monstre avait-il bien pu s'en sortir ? Heureusement qu'ils en étaient débarrassés...

« Uub ! Ohé ! Où est-ce que tu es ? » l'appela-t-il avec les mains en porte-voix, tout en remontant peu à peu le fil de ses dernières parcelles de ki. Il devait bien être quelque part !