Prélude au désespoir

Misha se gardait bien de répondre en long et en large aux allégations de son père. Si elle était naturellement déterminée à ne pas se laisser écraser, elle savait malgré tout que certaines interventions seraient assurément moins utiles que d’autres. En somme, elle se doutait que le contrarier ou l’interrompre sans arrêt risquait de le rendre assez furibond pour qu’il détruise la Terre en rentant. Or, Towa avait besoin de l’insurrection dans sa quête contre les anges, la planète bleue ne devait pas être victime d’un énième caprice. Alors, elle contenta d’enchainer les regards désapprobateurs, notamment lorsque fut abordée la question de son physique. Sa mère n’avait-elle pas déjà fait assez de remarques au sujet de son accoutrement ? Il fallait que Lucifer en ajoute une couche ? Elle soupira et fit la moue dans un mouvement presque mécanique, elle se faisait rouspéter ainsi depuis des millénaires. Elle se permit tout de même de répondre sur les points qui, ironiquement, furent les moins importants, les plus légers. Déjà, elle se défendit sur cette histoire de « vol de figurines », car il y avait prescription.

« Parce que maman ne m’en offrait que des horribles, avec des pics partout. »

Boudât-elle dans une scène qui était totalement coupée de tout âge. Au moins, il fini par reconnaître un semblant d’ingéniosité en sa fille lorsque fut abordé les événements liés à Auros, choses qui provoquèrent un certain chaos. Néanmoins, il se montrait réticent à formuler le moindre éloge, mitigeant chaque bon point avec un reproche qui, pour lui, pesait tout autant. Rien de bien étonnant, mais ça n’en restait pas plus agréable. D’autant que le diable se méprenait sur bien des points, insinuant que le corps de Towa aurait été son arme principale… Et puis quoi encore ?!

« Mais qu’est-ce que tu regardes ? Je ne l’ai pas charmé comme ça ! J’avais une tenue d’ange normale ! »

Braillât-elle en faisant un pas en avant, rougissante de honte à l’idée que son propre père puisse imaginer de telles choses.

« Tu t’attardes sur les apparences alors que t’es sensé être le maître des ombres, t’es vraiment naze ! »

Pour un comte capable de voir au travers des âmes et des cœurs, il semblait bien d’avantage prompt à vilipender les formes, puis à en tirer des conclusions hâtives. Peut être que la colère guidait ses mots, ou la déception, dans tous les cas Towa refusait de croire qu’il était réellement sérieux. Et quoi qu’il en soit, ils étaient attendus ailleurs. L’appel de Demigra résonna dans l’esprit de tout ceux qui étaient assez intelligents pour le comprendre. Il avait saisi la crypte, et il ne restait plus beaucoup de temps avant que la résistance ne finisse par tomber. Au moins, cela allait constituer l’exercice tant attendu destiné à démontrer à Lucifer le génie de sa fille ; si il consent à l’admettre.