Fiche de Falke

Ce ne devait être qu’un rêve parmi tant d’autres, mais tout avait pourtant changé. Le chaos faisait office de norme, et l’ordre avait été relégué au rang d’exception. La glorieuse Nation semblait assaillie de toutes parts par une menace intangible et perpétuelle.
Partout où portait la vue, les Gestalts s’effondraient, et les Replikas déviantes ne cessaient de se relever sous les assauts interminables des rares individus sains de corps et d’esprit.

Et au-dessus du carnage, cet œil rouge.
Ce regard enragé mais indifférent qui fait écho à la force impassible des cyclones.
Cette puissance corruptrice qui ravageait les rangs de la Révolution et se répandait comme une traînée de poudre. Était-elle seulement consciente, ou s’agissait-il ici d’une cruauté aveugle que seul le hasard sait manifester ? Quoi qu’il en fut, la propagation de son sinistre éclat semblait dépasser de loin les limites raisonnables, comme si l’Univers lui-même avait choisi de purger méthodiquement toutes traces de civilisation.

Falke devait enquêter. Il en relevait de sa responsabilité. Qu’il s’agisse d’une vision ou d’un cauchemar, elle devait impérativement collecter toutes les informations possibles sur toutes menaces éventuelles à la sécurité de la Nation. Alors elle usa de toutes ses capacités pour s’octroyer une liberté de mouvement au sein de sa transe onirique.

Ainsi s’enfonçait-elle plus loin, derrière la horde informe, par-delà les ombres torturées et jusque dans les boyaux de l’infestation. Chaque mètre parcouru la rapprochait de la source. Elle pouvait presque en sentir le pouls sinistre, assourdissant de silence, qui s’échappait des tunnels de chair purulente qu’elle arpentait. Encore quelques pas et elle saurait. Encore quelques pas et elle verrait. Mais elle ne parvint pas à se rapprocher davantage. Quelque chose la bloquait.
Elle fut un instant surprise en remarquant que la conscience à priori intangible et invisible qu’elle incarnait dans son propre esprit avait pris forme, mais la douleur qui s’ensuivit vint interrompre ce schéma de pensée. Une douleur nouvelle, incohérente, mais ô combien réelle, qui trouvait son épicentre dans son torse.

Face à elle se tenait désormais une créature d’une taille identique à la sienne, arborant dans son dos des anneaux similaires aux siens et tenant d’une main une lance dorée semblable aux siennes qui traversait son torse et s’avérait être le source de cette désagréable sensation qui se répandait dans sa poitrine. Fixés sur l’abomination dégénérée qui lui faisait face, les yeux de Falke s’écarquillèrent. C’était elle, tout du moins une autre unité FLKR. Rongée par un mal incompréhensible peut-être, mais il s’agissait bien là d’une autre championne d’Eusan. De son esprit émanait le chant, non, le hurlement des astres. Elle n’en était pas la source, mais le relai qui transmettait, en sa condition semi-divine, ce mal éthéré au monde des mortels.
Falke avait trouvé ce qu’elle cherchait. Les puissants modules de Biorésonance implantés en elle et dans ses sœurs seraient responsables de la fin des mondes.
Elle devait les en informer, mais il lui fallait d’abord partir, fuir ce cauchemar. Chaque seconde passée dans la vision lui rendrait la tâche plus ardue. Elle se sentait bloquée et déjà, des souvenirs d’une autre vie s'immisçaient en elle. Était-elle déjà contaminée ? Répandait-elle déjà le mal avant même d’être réveillée pour pouvoir le combattre.

Canalisant ses dernières forces mentales, elle fit appel à tout son potentiel Biorésonant pour s’extraire une bonne fois pour toute de cette vision, et peu importe où elle pourrait bien atterir.