Merci, Tentra

C’était la fin, l’aboutissement d’une vie de combat dont l’apogée semblait déjà infiniment lointaine. Au crépuscule de ce qui faisait de lui un être entier, Pythar quittait le monde qu’il chérissait tant au profil d’un autre qu’il lui convenait assurément moins. Lorsqu’il prit conscience que cette défaite serait la dernière, celui qui fut jadis Roi des saiyans ne transmit aucune forme de frustration à son bourreau. Ni peine, ni tristesse car il avait disparu en tant que guerrier, suivant le crédo d’une race dont les principes faisaient sa fierté. Et de toute manière, il vouait une confiance aveugle à ses pairs mortels, lesquels concentraient les derniers espoirs du monde. Il avait foi dans l’hardiesse déraisonnable de ses compagnons.

Mais ce combat ne lui appartenait plus, à l’image de Charlo ou Sharotto, il avait sacrifié sa vie afin de lutter contre les forces du mal. Il avait offert ce qu’il restait de son être à l’éternel conflit opposant les défenseurs de la liberté et les oppresseurs universels. Mais ne soyez pas triste. Qu’aurait fait Pythar s’il avait survécu ? Il n’était que l’ombre du jovial combattant qu’il fut autrefois. Il n’était plus qu’un homme tiraillé par l’image de ses frères d’armes défunts, de la folie de sa moitié, du désespoir insufflé par son propre père… Ils étaient tous morts, tout le monde était mort. Ces pensées noires le maintenaient dans un flot sombre duquel il ne parvenait à se dépêtrer. Son esprit était déchiré, perdant la route qui lui était racée au profil de cabrioles vers les abimes.

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Mais alors que l’âme de Pythar se jetait dans un abysse insondable, une force surnaturelle vint le rediriger vers la bonne direction. Une main invisible qu’il ne saurait nommer mais qu’il saurait pourtant décrire. Une aura bienfaitrice, familière, guerrière, noble, éclairée et calme.

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C’était un ami, un proche, sans doute, finalement, son meilleur ami. Cette aide inopinée avait cadré le chemin de son esprit vers la voie qui lui était destinée. Autrement, son cœur aurait pu noircir jusqu’à devenir parfaitement maléfique. Une catastrophe de ce genre aurait pu provoquer l’apparition d’un alter égo jumeau démoniaque du dyarque disparu. Peut-être que le disciple du serein en avait eu conscience et avait agi en conséquence. Quoi qu’il en soit, sa sépulture et le temps qu’il avait accordé à la mémoire de son ami avait des conséquences fabuleuses.

Puis soudain, après avoir navigué au cœur d’un océan de ténèbres, une douce lueur apparue, perçant les nuages charbons du vide cosmique. L’âme du saiyan fut attirée vers cet clarté chatoyante, atteignant ainsi les portes du poste frontière. Il s’agissait du lieu dans lequel il serait jugé, il en avait bien conscience car cette visite n’était pas sa première. Il se remémorait sa mort contre Tentra en 1014, une bataille qui le ridiculisa tant le maléfique était fort. C’est après ce dur combat qu’il fut exécuté puis envoyé ici. Cette aventure provoqua une renaissance spirituelle pour fils de Thalès. Son retour parmi les vivants lui permis de rencontrer son père, conquérir Dosatz, affronter Freezer et tant d’autres choses. Ce brin de nostalgie l’aurait fait sourire s’il avait encore un corps pour le faire. A défaut de mieux, le père d’Akari et Darius s’aligna dans la file en suivant le mouvement, prêt à recevoir son jugement. C'était son dernier passage, celui au cours duquel le destin de son âme allait se jouer.

Enma était occupé, toujours omnibulé par son travail interminable. Cette tâche qu’il exerçait chaque jour lui prenait tout son temps, c’était un métier taillé sur mesure. Mais l’attention du maître des lieux fut malgré tout perturbée par l’apparition d’un combattant dont il se souvenait bien : Pythar. Cet homme était le précédent Roi des saiyans, un guerrier d’exception avait perdu la vie en affrontant Misha, enfin Towa. En apparence, il avait tout d’un parfait héros, offrant sa vie pour sauver celle des autres. Mais ce profil n’était pas parfaitement blanc pour autant.

« Pythar, le champion de Vegeta… »

Effectivement, il avait affronté et presque vaincu Broly, le tyran de l’espace. Une telle performance dépassait l’entendement, surtout lorsque l’on sait le fils de Paragus avait presque vaincu Auros lui-même. Mais la quantité de puissance d’un individu n’en fait pas un meilleur prétendant au paradis. Des choses jouaient en la défaveur du dyarque défunt. Depuis son enfance, l’ami de Charlo avait vécu en corsaire jusqu’à ses 23 ans. Son quotidien était rythmé par la destruction de planètes auprès de son père, le pillage, le meurtre ! Des millions d’innocents ont été tués par les actes déraisonnables et égoïstes de ce personnage.

« Bien que tu sois reconnu par tous comme un bienfaiteur, ton passé de bandit te rattrape. Prendre une vie et en sauver une autre ne se vaut pas. Si tu ne sauves pas quelqu’un, un autre pourra le faire ; mais si tu tues un innocent, personne ne pourra le ramener. »

Ainsi, même si Pythar à, au final, sauvé plus qu’il n’a massacré, il restait dans le négatif, exactement comme le prince Vegeta. D’un regard inquisiteur, le maître des lieux leva son marteau, prêt à invoquer sa sentence.

« Tu iras donc en Enfer. Une fois que tu auras purgé ta peine, ton âme sera neutralisée puis investie dans un autre corps. »

Un jugement difficile, pragmatique et froid. Enma était rarement aussi dur avec les âmes qui passaient sous sa porte. Puis le marteau s’abattit contre son socle, validant cette sentence exceptionnelle.

Quel beau combat... Une touche de fierté avait envahi le Dieu Shan, observant ses deux élèves dans un match important. L'un comme l'autre, ils étaient porteurs de l'héritage de ses enseignements, mettant à l'épreuve leur connaissance commune des arts martiaux. Et ce duel avait également laissé le temps au maître du temps de préparer la suite de ses cours... Un petit dialogue mental avec un être à part avait grandement avancé la prochaine étape de son plan. Une formation pour Zannin, cette fois. Boneco avait eu ce qu'il avait demandé, et il voyait en ce Héra un porteur d'un autre style de combat, bien défini par une autre maîtrise. Il allait avoir droit à un cours très spécial ! Mais cette rencontre se ferait bien plus tard. Pour le moment, il était toujours dans un combat qui lui tenait à cœur. Et quel plaisir que de voir ses deux protégés s'amuser. Enfin, il continuait d'observer le Paradis... Et il attendait également autre chose. *Setsuka... J'espère qu'il ne lui est rien arrivé de trop grave... Heureusement, elle n'est pas seule.* La sauvageonne semblait aussi avoir eu un problème...

Et son attention se posait également sur une autre âme. Une âme qui venait enfin d'arriver devant Enma. Pythar... Il allait enfin être jugé. Bien que son passé ne puisse pas être effacé, les actes présents du combattant se sont posé sur le mérite, et un héroïsme sans bornes. Il avait déjà perdu la vie, et le juge avait rendu un premier verdict il y a un moment. Et là, il avait joué dans la balance d'un plan bien plus conséquent qu'un seul Univers... Il avait perdu la vie pour défendre non pas juste une histoire, mais toutes. Car Towa, cette sorcière, était bien plus dangereuse pour les temporalités, que n'importe qui. Autant que Demigra, même... Le Dieu du Temps ne pouvait pas non plus effacer ce qu'avait fait le fils de Thalès, mais il n'allait pas laisser un tel guerrier être châtié sans au moins obtenir un dernier cadeau pour son âme. Peut-être même pouvait-il lui offrir un autre futur, sans forcément le voir s'éteindre sans laisser de trace. Une dernière trace d'un héros tombé au combat.

"Un instant, Enma."

Juste à temps ! Le marteau était prêt à s'abattre, et le juge s'apprêtait déjà à condamner le cœur vaillant à un nettoyage en règle. Sans perdre plus de temps, l'ancien disciple de Chronoa s'était téléporté auprès du géant rouge. "Cette âme est un cas... Particulier. Je la prends en charge." "Pour quelle raison le Dieu du Temps protège un tel être ?" devait-il se demander. Pour le fils de Lyla, la réponse était naturelle. "Pythar, allons sur le côté. Laissons Enma continuer son travail." Ainsi, il invitait l'âme sans corps à se déplacer, suivant le maître des destinés. "Reprends ceci, ce sera bien plus efficace pour communiquer." Usant de ses droits divins, il accordait à son compère le droit de posséder son corps. "Tu as fait beaucoup de chemin, héros. Mais malgré tout, les péchés de ton passé te rattrapent... Pourtant, avec tout ce que tu as fait, tu mérites bien une récompense, non ?" Et quelle récompense pouvait-il bien mériter ?

"Je ne peux pas te gracier, ni te ramener à la vie, Pythar. Néanmoins, je peux t'accorder un dernier cadeau. Ou plutôt... Une autre alternative à l'Enfer. Après-tout, ton sacrifice ne s'est pas fait pour le salut de quelques Univers... Mais bien pour le bien de toutes les chronologies qui existent."

Un portail s'ouvrait alors face à lui. Que lui avait donc réservé le père de Renko et d'Hellzetsu ? "Tu n'as qu'à emprunter ce portail." Toujours avec son air doux, le guerrier du temps offrait désormais le choix à son estimé compagnon. Aussi court le chemin qu'ils avaient parcouru ensemble fut-il, mais il n'en restait pas moins marquant d'un très bon ressentiment. "Tu peux le traverser, et je t'offrirai un nouveau choix. Mais je te préviens, ce n'est ni le Paradis, ni le Néant, ni même l'Enfer, qui t'attend ! Sinon, tu peux rester ici, et... Accepter la sentence d'Enma." Tic tac... Il était temps de choisir. "Alors ?"

Le marteau d’Enma allait s’abattre quand Kaito intervint. Le dieu du temps réservait un autre sort au héros saiyan et comptait bien le faire valoir auprès du juge suprême. Ainsi, il écarta le malheureux sans même prendre la peine de saluer Enma, indiquant qu’il se chargeait de ce cas. Tout empirait : Le superviseur du flux du temps reconstitua dans la foulée le corps de Pythar, lui annonçant qu’il pouvait obtenir un meilleur destin que l’enfer.

Aussitôt, le géant vira au rouge, quittant le confort de son siège pour faire front au kaioshin.

« Trop c’est trop ! Je ne supporte plus tes ingérences incessantes ! »

S’écria le titan en dévisageant celui qu’il voyait comme un abus ambulant.

« Certes, Pythar a sauvé le monde plusieurs fois, mais il en a détruit bien d’autres. Tu ne peux pas lui retirer cette composante de son tout. C’est trop tard ! »

Dans la foulée, il ramena l’âme humanoïde vers lui, comme s’il s’apprêtait à reprendre son jugement en faisant fit de l’audace du père de Renko. Et en vitesse, le colosse souleva son maillet pour abattre sa sentence, l’outil frappa son socle, le destin du saiyan était tracé. Cette montée en tension poussa Enma à lâché un bref soupire, il sentait que sa décision ne l’avait pas rendu très populaire. Cependant, il ne travaillait pas pour rendre les gens heureux ou pour se forger un capital de sympathie. Il œuvrait pour la préservation de l’équilibre entre le bien et le mal, il luttait pour la justice la plus totale. Evidement, le maître du poste frontière aurait aussi préféré voir l’ancien Dyarque au Paradis, mais un tel choix aurait rendu son rôle caduc. Suite à cet acte effréné, il zieuta un instant l’âme du guerrier de l’espace, puis celle Shinjin.

« Son sort ne change pas. Néanmoins, je t’autorise à l’emmener ou bon te semble pendant une heure. Après cette heure, il sera envoyé en enfer pour suivre la ligne que je lui ai tracé. »

Quelle gentillesse sans borne, quelle incroyable reconnaissance…

Difficile d’exprimer quoi que ce soit, la caractère incisif d’Enma avait été annonciateur de la mauvaise nouvelle arrivante. Être anéanti, torturé par la disparition ; quel gâchis. Réduit à l’état d’une mince boule de lumière, l’âme de Pythar resta silencieuse, comprenant que ses actes passés lui coutaient cher. De toute manière, il savait pertinemment que son passif de bandit le rattraperait tôt ou tard. Néanmoins, il pensait la justice divine davantage réhabilitative. Ici, le moindre écart était aussi compté comme définitif puis puni de manière rébarbative. Et alors qu’il allait finir damné en enfer, un troisième personnage intervint : Kaito Shan.

Le dyarque défunt avait conscience du grand rôle que jouait le Kaioshin dans le monde divin, cet homme allait-il être son passe-droit ? L’intervenant magique lui redonna presque immédiatement un corps en lui annonçant qu’une autre voie lui était accessible. Mieux, le Shinjin lui parlait de récompense. Voilà un discours qui tranchait radicalement avec celui d’Enma ! Evidemment, c’était un sort mille fois plus appréciable, lequel n’impliquait visiblement pas la destruction de son être. Naguère aux rives de la disparition totale, le saiyan retrouvait une lumière. Surpris par un tel retournement de situation, ce dernier laissa échapper un grand sourire en direction de Kaito.

« Merci ! »

Une telle aubaine se profilait rarement. Mais Pythar méritait-il vraiment cette chance ? Visiblement, non. Presque immédiatement après que Kaito eu fait sa proposition, Enma se leva, exsangue. Il confronta le père de Renko à la réalité du cas du défunt, confirmant dans la foulée sa sentence. Quel terrible ascenseur émotionnel…

« Quoi ? Je… »

La sentence était officielle, rien ne pouvait la changer. Abasourdi, le fils de Thalès abaissa son regard vers le sol, contenant l’émotion qui le gagnait. Il aurait tant aimé poursuivre sa lutte contre le mal et s’offrir le temps de prouver à Enma qu’il n’était pas un cœur maléfique comme il le prétendait. Mais malheureusement, les événements liés à Auros avaient précipité l’ami de Tentra au poste frontière. Une frustration alliée à une grande déception envahit le visage du dyarque déchu.

En guise de consolation, le juge suprême accorda malgré tout une autorisation exceptionnelle à Pythar. Le saiyan avait le droit de suivre Kaito pendant une heure, lui offrant la possibilité de faire la rencontre prévue par ce dernier. Le regard du jugé se fronça, il aurait simplement apprécié éviter l’anéantissement. Il releva finalement le nez en direction du dieu du temps, paré à le suivre et emprunter le portail. Dès que le Shinjin lui en donna l’ordre, le guerrier de l’espace traversa la barrière magique.

"Enma !" L'autorité d'un Kaïô-Shin venait-elle de se faire remettre en cause ? L'autorité DU Kaïô-Shin du Temps venait-elle de se faire contester ? L'ingérence était une chose, mais l'insubordination... C'en était une autre. Cette fois, c'était le Dieu guerrier qui lançait un regard inquisiteur. "De quel droit, toi, le juge des âmes, te permets-tu de hausser le ton avec un Kaïô-Shin ?!" Cette tentative d'intimidation envers un Dieu Suprême n'était pas du tout bien passer. Au contraire, elle venait de faire sortir de ses gonds le Dieu le plus patient qu'y puisse exister. Mais... Tout le monde change, n'est-ce pas ? "Nous décidons de tout ce qu'il se passe dans notre Univers ! Nous pouvons ramener à la vie en échange de notre propre essence ! Nous ne passons pas devant toi à notre trépas, à juste titre ! Nous sommes en haut de la hiérarchie ! N'oublie pas ta place dans celle-ci, Gardien ! Tu es remplaçable !" Il n'avait pas l'habitude d'agir ainsi. Mais le cas de Pythar dépassait ses compétences.

"C'est le dernier écart de conduite que je t'accorde, Roi Enma. Les Dieux suprêmes sont au-dessus de toi, et tu ne serais pas là sans nous. N'oublie jamais ça. Pythar n'a pas sauvé qu'une poignée de planète, Enma. Il à sauver toutes les temporalités, soit une infinité d'existence. Plus que tu n'en n'auras jamais à jugé."

Les pouvoirs d'Enma n'étaient pas là pour le faire placer au-dessus des Dieux primordiaux. Et son ton n'avait pas du tout plût au maître du destin. "Pythar, allons-y." Le portail ouvert pouvait désormais être traversé. Sauf si Enma avait quelque chose à rajouter ?

Enma avait vu des tas de situations ou Kaito avait eu l’air ridicule, mais là, on dépassait le stade de l’entendement. Le colosse était sidéré, abasourdi, stoïcisé. Même en inventant des mots, l’on ne pourrait décrire son stade de surprise. Il n’avait plus sous les yeux le calme et innocent apprenti de Chronoa mais un monsieur je-sais-tout dominateur et insupportable. Non seulement le Shan remettait en cause l’autorité du juge suprême en imposant la sienne, mais en plus, il se permettait de le prendre de haut. Une goutte de sueur perlait sur le front du titan, il n’avait jamais eu à faire à une telle adversité depuis le dernier passage de Wulhut.

« Grrr… Je n’en ai rien à faire de tes justifications ! Je suis là pour juger de manière impartiale, les avis ne rentrent pas en ligne de compte ! »

S’indigna le maître des lieux avant de fixer l’âme du guerrier de l’espace.

« Une heure. Si tu n’es pas content, Kaito, tu iras en discuter avec Shin. C’est lui mon supérieur hiérarchique, pas toi ! »

Le géant se redressa en grommelant, se déplaçant péniblement vers son bureau sur lequel il prit place en ronchonnant.

« Suivant ! »