Héros inconnu et entourloupes vaseuses !

Shemesh regardait les médicaments couler dans la chasse d’eau. On lui avait donné des trucs pour pas déprimer, mais elle savait que c’était des trucs pour simplement pas penser du tout. Elle pensait les garder au cas où elle puisse vraiment en avoir besoin, ou bien parce qu’ils pouvaient être employés à d’autres fins que celles qui étaient prévues, ou même tout simplement qu’elle pouvait les filer à d’autres personnes. Loin de là l’idée de devenir une dealeuse foireuse, elle se rendit compte aisément que conserver quelque chose comme ça près de soin c’était d’en prévoir l’utilisation inévitable. Et puis bon. Shemesh n’était pas triste. Elle était vide. Qu’est-ce que les médicaments allaient faire. La vider encore plus ? Mettre autant de vide dans un seul endroit ça ferait pas un trou noir ?... Ouais, c’était probablement la science derrière ça. Elle hocha la tête. Définitivement. Les antidépresseurs, c’était cringe. Elle allait affronter l’envie de mourir comme une grande. Et - merde, alors, ça voulait pas disparaître. Elle tenta d’enfoncer le tas de pilule d’un coup de pied… lui faisant éclater la céramique du trône. Oups.

Ayant viteuf fuit l’hôtel où elle traînait après avoir placé l’argent suffisamment pour tout rembourser sur le trottoir, Shemesh se mit à arpenter les rues pour voir si quelque chose allait lui faire oublier un peu plus le résultat des dix dernières semaines. Y avait-il des dieux mineurs qui s’occupaient des destins dans cet univers ? Quelqu’un s’était-il récemment mis aux commandes de sa vie avant de la faire partir en couille… Bof, c’était le genre d’excuse qui faisait plaisir à ceux qui assumaient pas leur malchance. Avec suffisamment d’argent, tout pouvait disparaître… C’était ce qu’elle se disait. Elle avait beaucoup d’argent, elle avait qu’à espérer que ça fonctionne. Puis… “Shemesh Perditio, héritière des dieux et des milliardaires, traversant les génocides et les death squads interchronologiques”... ça pétait plutôt la classe, non ?

Tsk… Shemesh était quand même vide.

Elle se disait honnêtement qu’elle avait plus trop peur de mourir. Il y avait une certaine liberté à ça. Elle avait peur de souffrir, c’était sûr. Mais de mourir ?... Pas vraiment. Elle avait plus peur d’une balle lui traversant le ventre que d’une lui traversant la tête. La seconde risquait moins de la buter mais… elle finirait juste par souffrir le temps d’essayer de survivre, puis le temps de convalescence, et puis une douleur fantôme à chaque fois qu’elle se souviendrait de ce moment. C’était-y pas triste quand même ? Pff… pas vraiment. Pitoyable était pas triste. Pitoyable voulait juste dire pitoyable. Inspirer la pitié ça inspirait la gênance. Shemesh ne voulait pas incarner ça. Elle voulait incarner… nan, en vrai, elle savait pas quoi incarner. Elle savait pas trop ce qu’elle voulait être, ce qu’elle était, pas même ce qu’elle fut, consciente des vomis mentaux constant que son esprit faisait…

Elle marchait sans trop savoir où elle allait, avec des airpods dans sa poche et non dans ses oreilles. Son regard était vide de sens. Elle marchait. C’était une fin en soit. Elle ne portait pas attention au monde qui l’entourait. Elle ne portait pas attention à ce qui se passait dans sa tête. En toute honnêteté, elle avait peut-être atteint le Nirvana, le vide mental, l’absolue méditation dont les terriens parlaient par moment. Mais ce qui se passait véritablement… c’était juste que son visage était suffisamment desséché par les cernes, la fatigue et deux expériences de presque-mort pour être éclairé au néon dans des plans en contre-plongée. Heh ! Hé hé hé… hééééééééé… C’en était même plus drôle tant c’était juste cringe.

Ses yeux clignèrent par deux fois alors qu’elle tourna la tête vers la gauche en direction de boucan inconnu. Une petite foule se rassemblant autour d’un parking où un vaisseau en feu dégageait de la fumée dont sortait une silhouette excessivement baraquée. Se frayant un chemin à travers les gens, elle eut une bonne vue sur la tentative de coup en traître de l’un des trois criminels qui avaient des caisses de thune et des sacs de fils remplis de bijoux dans les mains. Le grand mec tenta de jeter son arme dans la fumée pour faire un flash de lumière, flash face auquel Shemesh ne fit que fermer les yeux tandis que les autres se mettaient à terre. Un autre membre du trio, plus petit, lança des coups de fouets dans le nuage… et se fit happer dedans. Paf ! Et le revoilà qui ressortit, rué de coups, hors du nuage, jeté vers ses acolytes comme dans un gag d’animation.

Le plus grand sortit un autre canon et tenta de tirer, mais l’autre était déjà sortit de la fumée avant de lui comprimer l’épaule d’une main. Un colosse avec de très larges épaules et de toute petite jambe et une tête… très simple. On dirait celle des croquis terriens et héras avant la découverte de vie extraterrestre, quand ces derniers n’étaient que des cryptides qui kidnappaient des animaux. Peut-être qu’ils existaient – et qu’ils allaient un max à la salle, on dirait. Shemesh regardait avec les mains dans les poches ce qui se déroulait devant elle. L’autre se fit planter dans le sol par le justicier en collant rouge et noir, genre, littéralement planter. Comme un arbre. Shemesh renacla en soufflant du nez à la vue de cette scène qui était quand même comique.

”Hin hin ! Hin…”

Eeeeet évidemment, ça a eu des conséquences, parce que la dernière braqueuse avait rush derrière elle avec un saut avant de la ligoter avec des bras élastiques et de poser un flingue contre sa tempe, gueulant au grand gaillard de plus bouger, laissant le Sentai – car oui, c’était comme ça que Shemesh voyait la chose – froncer des sourcils. Notre Argusienne adorée n’était… pas si choquée que ça. En fait, cela ne faisait qu’accentuer son sentiment d’être malchanceuse. Qu’est-ce que le pistolet lui ferait ? Elle savait ce qui l’attendait si ça parvenait même à éclater sa cervelle. Du noir. Elle savait quelle tête elle avait quand elle était défigurée, alors ouverte par des cartouches, ça devait être à peu près pareil. Mais elle se disait qu’elle devait peut-être faire quelque chose. Alors elle tourna rapidement la tête, leva le menton et -

CROC !!

arracha à l’aide de ses dents acérées le canon de l’arme, faisant imploser l’énergie projetée par un tir réflexif et explosant ainsi la culasse du flingue, neutralisant le pistolet. La panique provoquée par une telle implosion fit se desserrer les liens autour de ses jambes ce qui amena la basket de Shemesh à mettre un coup de talon dans le tibia derrière elle, la libérant complètement. Se retournant, elle mit un crochet dévastateur dans la mâchoire de la donzelle, lui faisant un knockout complet.

Elle regarda la criminelle tomber sans se soucier du regard des autres, un instant de pause. Tiens. Elle sera parvenue à arrêter au moins UNE bad guy dans sa vie.

”Eum… Euh… Pardon ?”

Elle haussa des épaules avant de relever un sourcil face à sa propre naïveté – elle venait de s’excuser auprès d’une nana qui avait non seulement menacé de la buter mais qui, de toute façon, était maintenant trop sonnée pour l’écouter. Elle secoua la tête en fermant les yeux avant de se mettre les mains dans les poches et de regarder le grand gris de rouge vétu.

”B-bien ouèj… pour les vaincre, j’veux dire.”

Elle fit un large sourire avec ses dents ascérées qui avait déchirées un pistolet il y a de cela moins de cinq minutes. Elle le regarda un instant. Sa tête à gros yeux et petite bouche ne l’empêchait pas d’être expressif… ou plutôt d’être inexpressif en dehors de son froncement constant d’yeux. C’était comme si Batman s’habillait dans les fringues colorées de Superman tout en ayant le visage du… du Martien, là. Un super héros…

”Vous sériez pas un super-héros, par tout hasard, monsieur ?”

C’est pas génial, un super-héros ? Tu sauves le monde malgré un passé tragique, tu te lies d’amitié avec d’autres gens à passés tragiques, tu incarnes des idéaux, tu te bats pour ces idéaux contre des gens avec de pires idéaux… Il y a quelques mois de cela, avoir une excuse pour se battre en costume moulant aurait été un autre avantage pour Shemesh, mais… maintenant, ce n’était même plus dans son esprit. Mais elle tenta d’ouvrir le dialogue. Après tout - qui s’occuperait des criminels le temps que la police arrive hormis le justicier qui venait de les arrêter ? Il ne faisait pas de toile, le grand gris. Il mettait juste des tatanes… Pour ce qu’elle sache.

”J-je demande parce que… fin, je…”

Elle se racla la gorge avant de se passer le main sur le visage lentement, espérant ne pas avoir trop de cernes dans son regard. Elle se racla la gorge.

”Ahem ! Je disais… J’arpente la galaxie pour m’entraîner parce que… j’ai découvert que j’avais des grands pouvoirs et… et vu que vous savez maîtriser ce genre de chose, je me demandais si vous pourriez pas m’apprendre deux trois p’tit trucs ?”

Elle fit un large sourire alors que le malheur des dernières semaines ne sembla pas enlever les étoiles dans ses yeux à la vue d'un VRAI Superman.

Shemesh se gratta l’arrière de la tête, un peu honteuse à la mention que ça aurait pu mal se finir. C’est sûr. Mais en soit, Shemesh se moquait du “ç’aurait pu mal se finir” dans sa direction. C’était déjà bien établi, ça. Mais c’est sûr qu’il y aurait pu y avoir des conséquences pour les autres. Elle ne tenta pas de se justifier en mode c’est instinctif ou quoi. Elle avait vu que le grand rouge et gris avait l’air un peu plus tendu à l’idée de voir une prise d’ôtage et voulait lui rendre la vie un peu plus facile sur le moment. C’était impulsif mais… altruiste ? Si, un peu, quand même ? Allez. Cela ne manqua pas de la faire souffler du nez quand, sérieux comme tout, il sortit son adversaire du sol, toujours aussi droit, comme dans un vieux cartoon. C’était peut-être ce qui ne la débecta pas immédiatement de ce héros solitaire et antipathique : le manque de corrélation entre l’ambiance de sa façade sociale et celle de ses gestes. Il avait l’air intense dans son associabilité, mais en même temps il plantait ses ennemis dans les arbres et se trimballait en collant avec sa tête toute ronde toute mimi qui faisait la gueule. Il lui affirma qu’il était, en soi, un super-héros, et lui demanda s’il n’y en avait pas ici.

”Bah… vraisemblablement non ? Mais j’suis de passage ici, aussi, donc j’connais pas vraiment la culture du patelin. En tout cas dans les planètes où j’traîne habituellement y en a pas.”

De temps à autres quelqu’un se mettait une tenue avec un casque et une sorte de kimono vert par dessus des vêtements de combat avant de participer à des tournois, ce qui en faisait plus des catcheurs, maintenant qu’elle y pensait. Et des catcheurs, elle en connaissait pas beaucoup de base. Mais maintenant elle connaissait au moins UN super-héros. Et ça, c’était vraiment pas donné à tout le monde… Enfin, jusqu’à ce qu’il lui mette un râteau quant à la prise de disciples. Allons… Ses arguments c’était de faire le Sigma et de ne pas sortir de son grindset d’arrêt de bandits. C’était honorable et pas débile en soit. Shemesh n’avait pas vraiment accompli quoi que ce soit jusqu’à présent et déçu la majorité de ses partenaires de dialogues et d’entraînement. Le seul qui avait bien aimé l’affronter avait été Moro…

Oh le malaise à se remémorer son existence. Shemesh s’attrapa le front un instant le temps d’une migraine passagère. Rouvrant les yeux, elle les plissa quand les lumières d’un véhicule de police les aveuglement. Ah merde, c’était la patrouille. Ils venaient juste chopper le trio d’abrutis qui était par terre. Bien ouèj à eux. Le démon du froid aux lèvres et mascara d’un gothique d’une autre temps avait l’air d’être instantanément devenu fan du héros tout en affirmant que les Macareni étaient bien connus de leur organisation. Shemesh ne disait rien, parce qu’elle venait d’échapper à leurs garde-fous et ne faisait qu’espérer silencieusement que ce type s’en aille sans chercher à la rappeler à l’ordre. Le grand gris affirma qu’ils avaient de la ressource, et le hochement de tête de l’officier laissa Shemesh à penser que le héros finirait par les recroiser et les re-neutraliser. C’était comme ça dans les comics, en tout cas.

Jiren, il s’appelait. Jiren le gris. Peut-être que Shemesh pouvait s’appeler Shemesh la bleue, alors. Mais ou alors son espèce s’était pas vraiment plus développée que ça, faisant de lui leur représentant le plus populaire, ce qui faisait que personne d’autre de gris comme lui ne méritait d’être appelé “Le Gris”... soit il était genre, albinos; un défaut de naissance l’avait peut-être touché et au lieu de se laisser insulter avec, il avait décidé d’en faire son identité. Dans tous les cas, c’était pas dégueu comme titre… “Le Gris.” Shemesh ne donna pas son identité, préférant juste dire au revoir avec un mouvement de la main, ayant forcé l’intergalactique hôpital qui avait prévenu sa mort à la libérer avant l’heure. Elle était vue comme un atout contre Moro, et préférait ne pas être vue du tout. Donc, si on ne la reconnaissait pas – c’était tant mieux !

”Bye…”

Shemesh regarda le culturiste croiser les bras et brood pendant cinq secondes avant de reprendre la parole tandis qu’elle relevait elle-même le bras pour couvrir ses yeux des flashs et de la possibilité que l’on identifie la clocharde spatio héritière d’Argus. Enfin l’autre rouvrit le dialogue, et elle ne put s’empêcher de faire un petit sourire en coin quand elle comprit que malgré ses reproches, s’il n’était pas parti sans un mot, ce qu’il avait plus à dire. Au fond, elle savait qu’elle avait toujours un moyen de charmer les gens, sans qu’elle sache effectivement d’où ça vienne. Yukko avait toléré son existence. Jiren semblait le faire aussi. En soit, c’était bizarre, mais les justiciers qu’elle croisait jusque là avait eu un schéma comparable dans leur approche de l’Argusienne. C’est à dire qu’il ne faisait que dire qu’elle pouvait regarder leur entraînement ou participer à leur échauffement si cela leur faisait plaisir après avoir dit qu’ils avaient pas le temps ni la volonté de l’entraîner.

”Merci ! Merci ! Ah, p’tain, merci !”

dit-elle en fermant les poings avant de voir Jiren décoller p’t’être un peu trop vite. Oh ! Merde ! Elle ouvrit les mains, paumes vers le sol avant de rafraîchir immédiatement l’air sous ses pieds, se créant une rampe de glace tandis que le vent froid la propulsait vers les cieux, la faisant effectivement glisser sur une piste qui se créait au fur et à mesure qu’elle avançait. Après la poussée initiale, la glace se créa naturellement, lui permettant de simplement surfer derrière Jiren comme si de rien n’était, comme si elle faisait du skate, simplement à plusieurs dizaines de mètres de hauteur. C’était plutôt cool comme sensation, et ça avait l’air incroyablement badass. Quand le gris descendit pour se poser au milieu d’une forêt, Shemesh fit de même, avant de laisser sa rampe se transformer en flotte. Elle fut amusée de voir un lapin mouillé par une soudaine chute d’eau détaler comme s’il venait de tomber dans une embuscade, avant de se tourner vers Jiren.

”Et donc, euh… vous tapez dans le vide ? Vous invoquez des mannequins d’entraînement avec vos pouvoirs ? C-c’est juste pour comprendre, hein ? Je peux fermer ma gueule quand vous voulez.”

Elle s’assit dans un coin de la clairière.

”Z’êtes un super-héros de quoi, si c’est pas trop intrusif ?”

Shemesh avait mis ses mains dans ses poches avant de les en ressortir immédiatement pour au final les placer derrière elle, l’un de ses pouces appuyant peut-être un peu trop sur son poignet alors qu’elle écoutait Jiren… ou plutôt ne l’écoutait pas. Pendant un instant, elle le vit fermer les yeux, et se demanda si elle l’avait offensé ou bien si ça faisait partie de son envie de pas être dérangé ou c’était juste que ça faisait partie du cliché du justicier solitaire. Elle fut surprise alors de lâcher une grande respiration alors que ses pupilles supérieures tentèrent de se fermer tandis que ses joues se tordirent dans une sorte de sourire inversé grimaceux… Pour que son corps se rétablissent assez vite, simplement conscient d’une différence de pression autour d’elle. Elle se pinça le nez avant d’y souffler pour faire les trucs des plongeurs qui permettait de pas perdre ses tympans sous pression. Est-ce que ça faisait partie de son entraînement ? Si ça se trouve – Shemesh aurait pu en mourir !... Non, bien sûr, la blague. Compte tenu des derniers évènements, elle pourrait survivre à une décapitation par n’importe quel miracle saugrenu. C’était comme ça que le destin, ou le chaos, ou la chance avaient décidé de prendre en compte ses aléas.

Mais Jiren présenta ce qu’il était face à la question aussi débile que vague de Shemesh – chose qu’elle admit en après coup, au moins dans sa tête. C’était un justicier qui n’était pas d’ici et qui se définissait par son power level. Parmi tous les fils de pute qui ne juraient que par la possibilité de rouler sur les autres comme des sales bullies, tout le langage corporel comme vocal de Jiren laissait à penser qu’il avait une vision assez mystique de la chose. Il regarda son poing, assez dramatiquement, et Shemesh le regarda également. Il devait redompter la puissance ? Est-ce qu’il était devenu si fort qu’il avait du mal à gérer ça ? Ce serait pas un problème inconnu de la pataude jeune bleue, ça.

”Genre vous êtes trop fort pour vot’ maîtrise ou…”

Jiren lui posa une question. Elle venait de découvrir ses pouvoirs récemment. Ouais, ouais, elle avait dit ça, ouais. Elle fut complimentée sur son désir de tenter de les dompter ce qui, qu’importe la façon dont ça pouvait être dit, lui fit un peu du bien – faire quelque chose correctement devenait si rare en ce moment. Mais, la question qu’on lui posa fut toute simple, toute conne, et il serait donc difficile d’y répondre. Shemesh eut, comme tous les jeunes de son âge, une réponse préfaite qui lui semblait évidente.

”Éviter de faire du mal aux gens que j’aime avec parce que j’arrive pas à les maîtriser ?... Ou aux gens tout court, plutôt…”

…Parce que les gens qu’elle aimait étaient de moins en moins nombreux. Shemesh posa sa main contre sa tempe en se grattant et se caressant les franges alors qu’elle se mit à réfléchir, les yeux posés dans le vide. Qu’est-ce qu’il y avait d’autre ? Elle n’avait pas réfléchi plus loin que ça. Elle voulait éviter d’importuner, de mettre en danger, de faire du mal aux autres… et quoi d’autres ? Arrêter Moro ? Elle s’était prouvée qu’elle pouvait pas le faire. Si elle revenait, ce serait pour se prendre un autre L et lui donner encore plus de puissance pour au final se retrouver cul-de-jatte dans un bassin de la patrouille après avoir été laissée en vie une autre putain de fois. Elle avait suivi Jiren pour avoir un truc à faire dans sa vie, pour ne pas se laisser avoir par les méandres de cette espèce de dépression qui lui retournait le ventre.

Jiren se mit alors à voler un peu plus, mentionnant qu’elle était jeune et qu’elle ne devait pas avoir la meilleure réponse possible pour le moment, avant de lui donner son premier exercice. Il lui fallait méditer à ça ? Shemesh le vit se mettre dans une position du lotus avant de se lier les doigts.

”En faisant genre le… le vide dans ma tête ou…”

En silence.

Shemesh se frotta l’arrière de la tête avant de se positionner face au méditant lévitant, plaçant ses pompes sous ses cuisses, fermant les yeux avant de les rouvrir avant de les fermer avant de les rouvrir, cherchant à s’assurant de reproduire la position de Jiren avec autant de perfection que possible. Elle tenta de bomber le torse – se tenir droite en étant assise devait être à peu près aussi douloureux que le bras dans l’abdomen que Moro lui avait mis – et de joindre ses mains avant de faire silence dans sa tête.

Qu’est-ce qu’elle voudrait faire avec ses pouvoirs, une fois maîtrisés ?... Rien. Ou peut-être tout. C’était des pouvoirs qui n’avaient de but que tout casser, donnés à celle qui ne voulait rien casser, donnés à celle qui voulait, qui avait voulue simplement vivre dans l’hédonisme avant de se faire casser la gueule, avant de manquer de se faire kidnapper, avant de voir tout le monde mourir. De coups de malchance à coups de malchance, Shemesh ne parvenait pas à mourir. Peut-être que c’était ça, son objectif final ? Trouver un truc pour la tuer ? Rah, non, faut arrêter avec ça. C’était pas elle, ce genre de réflexion. Mais c’était quoi, elle ?

Shemesh… c’était… c’était juste une personne qui s’excite trop. C’était un vecteur du feeling du moment. Si elle se battait contre quelqu’un qui aimait se battre, elle oubliait ce qu’elle était pour aimer se battre. Si elle était en train de jouer à un truc, alors elle aimait jouer au truc… Non, c’était pas vrai, c’était pas un vecteur. Elle serait jamais apte à prendre la haine de quelqu’un pour quelqu’un d’autre. Elle pourrait absorber des préjugés, des connaissances, des rumeurs. Mais de la haine ? De la rage ? Pas vraiment. Shemesh ne voulait pas faire de mal aux autres, elle aimait tout simplement le concept du combat, l’exercice physique et la situation de totale perte dans l’adrénaline. Elle aimait pouvoir frapper quelque chose qui réagissait au coup, mais n’aimait pas faire mal. En soi, si elle pouvait frapper un sac de sable qui pouvait répliquer, ce serait peut-être le meilleur compromis… Peut-être un robot d’entraînement ? Non… non, elle se sentirait mal de faire mal à un robot.

Shemesh souffla en gonflant ses joues. Le silence, elle aimait plus trop ça. C’était du vide. Du vide plus du vide ça fait des explosions, scientifiquement parlant – fin, c’est ce dont elle se souvenait. Dans sa métaphore, elle était juste en train de se faire du mal à ne rien faire, ici. Elle était juste face à sa morosité, face à son manque de peur, face à l’étendue des dégâts qu’elle avait pris en tant qu’individu. Elle n’avait pas mal. Qu’est-elle censée faire dans cette situation ? Son plan final après avoir maîtrisé ses pouvoirs ? Son plan final… son plan final…

Shemesh ne s’était pas concentrée sur Shemesh depuis un moment. Elle ne pensait pas vraiment à elle. Elle pensait simplement être une sorte d’observatrice déconnectée du monde, qui voulait limiter les interactions et cherchait juste à oublier ce qu’elle était. Peut-être que c’était mieux qu’on lui demande de se concentrer sur elle-même. C’était pas les pouvoirs de glace qu’elle devait apprendre à maîtriser. C’était les autres. Ceux qui semblaient se déclencher que quand elle perdait le contrôle de son intelligence pour se focaliser uniquement sur le plaisir ressenti dans les situations de combat, quand sa stupidité et sa curiosité prenaient le dessus sur le peu de logique qu’une vie de luxe lui avait offert. Etait-ce sur ça qu’elle devait se focaliser ? Etait-ce ça son elle secret, son elle intérieur ? Jusqu’à ce qu’elle sache pertinemment ce qu’elle ferait en maîtrisant ses pouvoirs ?

Une aura destructrice commença à se manifester autour de Shemesh alors qu’elle songeait à elle-même. À son futur. À son but. À son mental. À son égo. Elle y réfléchissait avec témérité, sans tenter d’évader à son propre jugement… Y avait-il un moyen de s’assurer qu’elle ne fasse pas de la merde ? Il n’y avait pas de moyen de savoir ce qui se passerait dans une semaine. Cette semaine pourrait entraîner la perte d’une planète, la perte d’un bras, la perte de sa tête. Pourrait-elle être toujours sympathique, toujours altruiste dans ce cas-là ? Il ne suffirait que d’un mauvais coup dans la tête, une fente dans le crâne, des neurones empalées. Bim ! Adieu l’empathie ! Suffirait qu’elle célèbre un truc avec des amis, une tragédie qui se fait sentir avec un peu d’alcool ou une autre substance extraterrestre qui fasse tout comme. Bim ! Son esprit qui se fait fracturer un peu plus. Existait-il vraiment un moyen de s’assurer que Shemesh reste dans ses convictions ? Dans le camp des gentils… Y avait-il vraiment un camp des gentils ?

Son aura violette d’égo et d’annihilation, à glacer le sang plus que ses propres pouvoirs, s’atténua alors soudainement. Elle rouvrit les yeux, encore plus morose qu’avant, avant de soupirer. C’était quoi la réponse à sa question ?

”J’veux pas faire du mal aux gens. Et j’veux utiliser mes pouvoirs pour protéger ceux qui sont en danger… Et peut-être un peu pour me battre parce que j’aime ça… Mais euh, j’aime pas faire du mal aux gens, j’ai pas de fierté à défendre, j’ai pas d’idéaux à propager, j’suis trop conne pour ce genre de problèmes. Donc… j’imagine que c’est ça ma réponse : faire le bien. Aussi vague que ça puisse être, ça me suffit comme mentalité.”

Parce qu’y réfléchir trop finit par la rendre triste.

”Est-ce que c’est assez ou faut que je médite plus ?... J’peux tenter, s’il en faut plus, mais j’sais pas si ça m’aide.”

Shemesh avait rouvert les yeux dans la direction de Jiren sans sortir de sa position de tailleurs. Arrêter tout ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passait encore ? Shemesh releva lentement la tête dans la direction de celui qui s’avançait avec lente agressivité dans sa direction. Ses lèvres se retroussèrent, ses sourcils se relevèrent et ses respirations se firent plus lente, s’attendant à ce que chaque souffle soit le dernier avant de se prendre une mandale, tandis que ses épaules retombèrent pour laisser ses genoux s’écraser contre ses mollets, ramenant une de ses mains jusqu’à son pif pour qu’elle puisse souffler dedans face à la pression qui s’intensifiait encore plus dans ses oreilles et contre sa tête. Pour le coup, cela semblait faire de plus en plus mal à la tête de notre Argusienne favorite, mais pas assez pour qu’elle se masse les tempes. Elle cherchait juste à savoir ce qui allait se passer maintenant, son visage mélangeant lassitude et appréhension. Elle était habituée, pas vaccinée. Elle ne voulait pas qu’on lui casse la gueule, mais elle l’accepterait quand même. À ce stade, elle pouvait pas faire grand-chose d’autre.

Shemesh attendait tranquillement le coup de genou dans le tarin qui serait significatif de l’heure de prendre la fuite ou de simplement tomber inconsciente en attendant qu’un autre putain de miracle lui fasse se réveiller dans un nouvel hopital. C’était pas grave. C’était le jeu. Qu’est-ce qui lui restait d’autre ? Rah la la, elle se faisait trop dramatique. Bien entendu qu’elle allait se défendre. Bien entendu qu’elle allait faire un truc. Elle n’allait faire que s’adapter à la situation. Ses sourcils fins malgré les cassages de gueule se relèverent un peu plus quand le super-héros lui dit qu’il pouvait reconnaître cette énergie. Connaîtrait-il sa daronne ?... Non. C’était une énergie, vaguement une énergie partagée qui n’était pas destinée à de simples mortels. Et au final, Jiren tourna les questions sur lui. Que devait-il lui répondre quand on lui demanda si elle connaissait le Gris d’avant les présentations ?

”Bah… non, m’sieur. J’vous connaissais pas. Vous avez une si grande réputation que ça ?... Sans manquer d’respect, j’veux dire ? Fin - je m’enfonce là…”

remarqua-t-elle en regardant le sol avant de se redresser quand l’une des bottes blanches du justicier se planta juste devant elle. Est-ce que Demigra l’avait envoyé finir le travail ?... Une seconde… Demigra, Demigra, Demigra… Ah, c’était un nom qu’elle avait entendu à son premier (c’est triste de dire “premier”) éclatage de gueule. C’était le nom que son agresseur répétait encore et encore. Est-ce que ce Demigra était là, dans la pièce, dans la scène, en train de tirer les ficelles à nouveau ? Est-ce que c’était ça le gag. Un gars qui manipulait tous les évènements jusqu’à ce qu’il en meure ? Elle eut un instant de vide en reconnaissant le scénario. Le temps semblait être un putain de cercle plat et froid. Cette scène semblait être un mélange de sa rencontre avec Yukko et de son tabassage en règle sur Terre.

”J’vais me faire casser la gueule à nouveau ?”

demanda-t-elle d’une petite voix, qui semblait… un peu tremblante, un peu au bord des larmes, mais pas beaucoup. On dirait la question d’un enfant qui demandait si ses parents allaient s’engueuler une seconde fois devant ses yeux, éclairés par la lumière de la cuisine. Elle avait terriblement phase out hors de sa propre situation, ne faisant que réagir lamentablement à ce qui se présentait à elle, sans se justifier, sans expliquer quoi que ce soit, prête à subir… Ses yeux clignèrent un instant alors que les poings de Jiren se contractèrent avec le bruit d’un tir de canon étouffé. Ah, oui, une explication. Une bonne explication. Fallait offrir une bonne explication.

”Euh…”

Qui était-elle ?

”Moi c’est Shemesh. Shemesh Perditio. J’suis l’héritière de, euh… d’un, d’un… d’un milliardaire. Mais j’suis pas la fille de ma mère, parce que euh… ma mère est une déesse de la destruction ? D’une autre temporalité ? Et elle avait dit à son majordome bleu, là, de me buter, mais il avait décidé de… ben de pas me buter. Donc j’ai vécu tranquille chez moi puis… j’ai découvert mes pouvoirs, quoi.”

Elle décidait d’omettre tout le passage sur l’astrocide qui avait touché son monde natal. Sur le vide dans son cœur. Sur le fait que tout ça avait commencé parce qu’elle voulait éviter de se faire massacrer par la patrouille temporelle… Quoi que, peut-être qu’elle devrait le dire, ça ?

”J’l’ai appris quand y a un gars qui venait de la… patrouille temporelle, je crois, qui a voulu me kidnapper, mais j’ai été sauvé par un autre voyageur temporel… c’était très confus. Je sais plus… mais on a jamais tenté de m’re-poursuivre donc au moins ça va sur ce point.”

Elle était calme. Apeurée mais calme. Comme si elle cherchait à calmer une situation. Ce qu’elle faisait, en fait. Elle ne s’était pas levée. Elle ne faisait que bouger les mains en présentant certains éléments de ses histoires. Elle transpirait à cause de la chaleur ambiante, une chaleur qui pesait lourd sur sa respiration, la forçant à respirer d’autant plus fort. Entre autres, elle semblait peut-être plus effrayée qu’elle ne l’était vraiment.

”Mais, euh, c-c’est pas la première fois que je l’entends, c’nom, là, Demigra. Il y a un mec sur Terre qui m’a… il m’a tabassé et il pensait qu’il y avait une autre nana qui s’appelait Shemesh Perditio et qui avait ma tête, c’est p’t-être pour ça que vous reconnaissez l’énergie ? J’sais pas…”

Elle se pencha alors vers l’avant avant d’enfoncer son front contre sa paume.

”C’est pas vrai, j’m’enfonce encore plus, putain…”

Une double maléfique alliée de Demigra, c’était convenable ça.

”Ecoutez, m’sieur Jiren, j’suis juste une bâtarde avec trop de thune qui cherche à faire en sorte de plus se faire poursuivre par qui que ce soit parce que j’ai une gueule qui ressemble trop à celle d’un autre ou des pouvoirs héritée d’un coup d’un soir divin, c’tout. Et p’t’être faire le bien à côté, quitte à vivre avec des pouvoirs qui me correspondent pas. C’est vraiment tout. Rien d’autre. Promis juré, la tête de ma mère.”

Elle écarta les bras en fermant les yeux.

”Mais si ça suffit pas…”

Elle venait d’anéantir sa propre garde. Toute défense, physique comme sensible, ne pouvaient être employées. Jiren n’avait qu’à frapper assez fort le bon endroit de sa mâchoire pour la neutraliser. Ce serait au moins une façon d’être anéantie sans douleur. Mais c’était aussi un argument convainquant. Il y avait une certaine noblesse à juste mettre sa vie dans les mains d’un autre. Sois prêt à prendre le risque d’avoir tébu une innocente, parce qu’elle se laissait faire. Aucune fuite, aucune défense, aucune traîtrise.

En soit, Shemesh se trouvait assez gênée de se rendre compte que sa lassitude avec la vie était devenue un outil social de survie sans égal.

Il y avait une certaine paix à avoir les bras ouverts et les yeux fermés, comme ça. Elle risquait d’en finir ivre. C’était la chute libre avant les os qui s’éclatent. Il y avait cinquante kilomètres avant qu’elle finisse par s’écraser par terre. Elle était déjà morte. Elle attendait. Elle attendait tranquillement. La brise fraîche de la clairière lui passait sur le corps et rentrait dans le col de son survêt. Elle eut l’impression d’oublier ce qu’elle était, ce qu’elle fut, ce qu’on voulait qu’elle soit. Peut-être que les agneaux qui finissaient à l'abattoir ressentaient cette même tranquillité face au pistolet à clou. C’était comme si son corps entier s’était transformé en remix lo-fi, l’espace d’un instant. Elle pourrait presque laisser sa tête danser en attendant l’expulsion de son cerveau par le poing d’un justicier. C’était à ce point là qu’elle était complètement hors de sa propre tête. Elle était juste en train de vibe. C’était ça le pire. Elle avait un petit peu peur. Elle avait un petit peu hâte. Elle était, semble-t-il, l’espace d’un instant, un avec la nature et le cosmos et le feng shui et toute cette rivière de tranquillité. Elle pouvait presque entendre l’écho des gouttes derrière ses oreilles.

Et puis non. Un héros ne s’attaquait pas aux innocents sous prétexte de supposition. C’était presque dommage, pensa Shemesh. Puis elle secoua la tête à nouveau. Les idées noires, c’était des bilboquet. C’est pas parce qu’elles rentraient pas dans ta tête qu’elles y étaient pas un minimum liées. C’était comme les balles de ping-pong qui étaient accrochées à leurs raquettes. Plus on les envoyait loin, plus elles revenaient. Métaphore sur métaphore pour dire qu’elle avait du mal à se rappeler que le suicide était indubitablement cringe et que faire la gnan gnan please kill me n’était pas du tout de son genre. Un jour, elle s’en débarassera, de ce malais. Un jour. Fallait juste attendre de se réveiller et de se rendre compte qu’on y avait pas pensé. Shemesh se courba donc à nouveau avec les yeux ouverts, avachie sur ses propres jambes en tailleur. Quoi faire d’autre ?

Assise ainsi comme une loubarde, elle observa avec un oeil plus fermé que l’autre Jiren lui dire que son histoire était si absurde, si loufoque qu’elle devait probablement avoir un semblant de vérité. Elle haussa des épaules. C’était ce qu’elle pensait aussi. C’était si débile qu’on ne pouvait que la croire. Mais avant que nous n’arrivions à une conclusion, le super héros eut un appel. De son gant. C’était au même moment où elle commença à avoir une terrible migraine. Ah… Aïeuh ! Putain… Shemesh se prit la tête entre les mains, se massant les tempes avec ses paumes alors qu’une sensation ignoble d’envie de dégueuler se présenta dans son estomac.

”Ngrhhhhhh… oh le mal de tête…”

Jiren avait pas l’air d’en avoir mal, mais notre jeune hybride grinçait de ses dents stupidement aiguisées alors que le message sortait enfin de son crâne. Fallait lever les bras pour protéger la Terre ? Quelle angoisse… Il s’y passait encore quelque chose ? Des nouvelles bombes ? Il y avait toujours une emmerde pour ces pauvres terriens. Shemesh commença à lever les bras… une seconde, mais – si c’était une couille ? Une manipulation ? Se foutait-on de sa gueule ? Est-ce que c’était Moro à nouveau ? Non… Mais elle était consciente que son énergie avait un minimum de qualité. Ou de quantité. Il faudrait pas se faire avoir comme une abrutie.

Heureusement ?... Il semblait que la Ligue des Justiciers s’était mis à contacter Supergris, un gros gaillard qui s’appelait Toppo avec une moustache aussi louche qu’elle était épaisse, encore plus farfelue que celle de ce type avec qui elle avait laissé Ekko… Ekko – est-ce qu’elle allait bien ? Cela lui arrivait parfois de penser à cette pauvre gosse surpuissante. Maintenant, elles étaient deux. La rencontrer avait été comme un indice pour la suite. Un indice assez ironique et tristement moqueur. Mais bon, ça c’était produit. Fallait arrêter de regarder en arrière à un moment.

Pour une raison ou une autre elle avait Rapp Snitch Knishes coincé dans la tête.

Secouant la tête à rythme tranquille en accord avec la musique qui se retrouvait dans sa tête, Shemesh ne fit qu’écouter la dialogue entre Toppo et Jiren. Univers Sept ? Ouais, peut-être que c’était comme ça qu’ils les notaient. Est-ce que c’était les différentes temporalités ? L’angoisse s’il n’y avait que genre sept timelines différentes. Imagine n’avoir que sept choix au total. Enfin, peut-être qu’il y en avait plus. Elle savait juste qu’il fallait qu’elle n’interrompe personne. Un Kaïo ? C’était quoi ça ? C’était lié au Kaïoken qu’ils utilisaient parfois dans les tournois ? Elle ne savait pas trop non plus. En tout cas, c’était un argument d’autorité majeur pour prouver qu’il fallait suivre l’appel. Jiren mit fin à la conversation avant de fermer les yeux dramatiquement. Pour un mec habillé comme un héros, il faisait plutôt justicier sombre des nouvelles générations. Quand il leva enfin les mains, Shemesh fit de même -

”Ah -”

Le changement d’appui la fit tomber en arrière. Mais elle maintint les mains vers le ciel. Elle ne savait pas exactement si c’était permis de couper le courant dans cet espèce de transfert d’énergie. Si ça se trouve, il y avait perte ! Comme dans les cours de physique ! Elle n’essayait pas de trop y réfléchir, son intuition devait être la bonne. C’était généralement sa morale qui lui faisait défaut. Son intuition c’était généralement elle qui avait raison. Donc elle resta comme une conne sur le dos avec la blouse contre l’herbe à sentir son énergie sortir. Et quand elle sentit que c’était fini, elle sentit le coup de pompe qui lui donna envie de dormir.

”Gwaaaah...”

Ah, c’était un bâillement assez immonde celui là. Elle se serait presque retrouvée à tenter de rompicher au milieu de nulle part. Peut-être que dormir à la rue serait une expérience intéressante à rajouter à son palmarès. Peut-être que se rapprocher un peu plus de l’humiliation totale qui semblait être le fond du tonneau métaphorique que la vie voulait lui offrir. Tsss… Elle était poète maintenant ? Elle avait jamais eu la tête pour de la poésie. Maintenant qu’elle était malheureuse, elle se demandait si ça valait la peine de donner une autre chance à cet amas de pleurs condensés en papier et encre - et vendus, évidemment.

Elle se redressa quand Jiren lui demanda de se redresser, avec la tranquillité languissante qui semblait couvrir son dos comme si c’était un trench coat des héros cool dans les mangas. Elle se releva en grognant comme si on la tirait d’un gigantesque sommeil. En vérité, la ponction d’énergie et son espèce de rythme à guitare électrique qui était resté dans sa tête la faisait presque sortir de sa propre expérience de dissociation. Entre autre, elle était si profondément cassée par les évènements des quelques derniers mois que son esprit fuitait le temps que la terre cuite devienne gadoue et que le vase se recolle tout seul.

”Okay… Euh…”

C’était en lui donnant un coup de poing qu’elle pourrait lui prouver son innocence. Est-ce qu’il lisait les intentions des gens à travers leurs moves ? Ouais. On dirait bien. Peut-être qu’il était capable de ça. Comme dans les jeux de combat où les personnalités suivaient les styles martiaux – sauf quand il fallait faire un nouveau perso sans budget et qu’on mettait une nouvelle tête sur un clochard en kimono ou qu’on changeait la couleur du ninja. Elle s’épousseta les genoux avant de bailler à nouveau, avant de se mettre des petites tapes sur les joues afin de se réveiller.

”J’préviens – c’est plus on m’tape que j’deviens forte. Et le surplus d’énergie ça me donne des, des surréactions de débile. Pas que vous ayez pas l’air de pas déjà savoir ça…”

Elle releva alors ses bras dans sa boîte protectrice qu’elle utilisait auparavant. Mais sa tête semblait être ailleurs quand bien même elle était entourée de ses deux bras relevés prêts à parer les attaques et les faire résonner jusque dans ses épaules. Combat. Elle. Se concentrer sur elle-même. Introspection. Conscience de soi. Apitoiement sur elle-même. Plus elle pensait à sa propre personne, plus son “aura” semblait s’éveiller. Une sorte de maîtrise de l’égo. Là où quelqu’un manipulerait son arrogance, elle ne faisait juste que s’emprisonner avec ses démons et avaler la clé. Allez, Shemesh. T’as abandonné une gosse sur une planète qui est danger à l’heure actuelle. Tu t’es humilié devant ton idole. Tout le monde te hait et tous ceux qui t’aiment sont morts et t’as donné de l’énergie gratuite à la personne qui les a toutes butées. Ouais, ça le faisait comme égocentrisme.

Son aura se faisait violette. Elle plia les genoux un instant avant de – bondir vers l’avant ! C’était elle qu’on testait, c’était logique qu’elle fasse le premier mouvement. C’était évidemment le premier qui bougeait qui perdait, mais elle était pas à sa première déchirure de gencive. Poussée par une bouffée de vent froid sortant sous ses chaussures, elle traversa la distance – trop vite à son goût, pour le coup. C’était beaucoup plus rapide que la dernière fois. Mais c’était pas ça qui la choqua trop. Ses yeux s’étaient écarquillés pour se plisser immédiatement après.

”Woaaaah !!”

Arrivant au contact de Jiren, elle décida de tenter un direct avec tellement d’élan débile et sans préparation qu’on pouvait aisément le qualifier de Superman Punch. Et c’était pas pour frimer, mais, woah ! elle sentait la puissance qu’il y avait dedans. Putain, ça risquait de la remettre bien, ça, en vrai ! L’impact fit un BOUM si fort que ça manqua de lui éclater ses propres oreilles ! Mais son coeur se remettait à battre vite et fort. Et ça, c’était pas tous les jours ! Nice ! Incr ! Putain, ça faisait du bien ! Ah ah !

Elle se retourna après un atterrissage à l’arrache derrière Jiren pour se diriger vers lui, avant de lui lancer un direct ! Puis un autre ! Comme dans les shonen, elle s’était mis à lui balancer une véritable mitraille de coups de poings, si rapides qu’il semblait qu’elle frappait avec quatre mains en même temps ! Hé hé, elle se débrouillait pas si mal ! Pif ! Paf ! Pouf ! Elle continua avec une double gifle avec les deux mains d’un coup, l’attaque qui discobombule, là, dans c’était-quoi-ce-film !

S’étant ouvert une porte d’entrée pour faire ce qui semblait être logiquement une attaque lourde et lente qui aurait été aisément télégraphée dans un autre contexte. Mais là, normalement, elle s’était ouverte une porte d’entrée pour son move ! Pliant son coude derrière elle, elle chargea son Advanced Perditio Style dans son poing droit, alors que l’entièreté des vents frais s’accumulaient autour de son poing, sûrement, sûrement, trèèèès sûrement ! Fiouuuuuuu ! Fiouuuuuuuuu ! Les airs glaciaux de la planète s’étaient tous rassemblés dans sa menotte fermé ! Et croc ! V’là qu’elle l’envoya en plein dans la tête averse, éclatant encore plus le mur du son avec toute cette tonne d’air qui s’était comprimé autour de son poing et qui venait tout juste d’éclater ! PAN !! Ce fut une déflagration comparable à une déchirure dans l’atmosphère. Mais un justicier comme ça pourrait s’en sortir, de toute façon !

”Aïeuh !”

Shemesh fut soufflée loin de son propre coup et se cogna en plus le dos contre un arbre. En profitant pour rester debout au moment où elle en glissa, elle se rapprocha un peu plus du champ de bataille.

”Euh… Faut que je continue ?”

Jiren parlait comme un perso de Metal Gear, par moment. Pas que Shemesh avait eu la patience de s’y intéresser, mais… elle était au moins suffisamment consciente de la présence de dialogue bien trop répétés. “Quand on me frappe, je deviens plus forte.” “Tu deviens plus forte quand on te frappe ?” Oui. Qu’est-ce qu’elle put faire d’autre que hocher la tête dans ce cas de figure, pour acquiescer avec la déduction de Jiren. Peut-être que c’était parce qu’il avait l’air d’être intense qu’importe la situation. Quand il était à donf sur une marque de compréhension simple, il semblait monologuer comme un héros de manga.

Dans tous les cas, l’assaut de Shemesh avait été pas très impressionnant. Jiren s’était pris le premier coup et n’avait pas bronché. Il acceptait la puissance de Shemesh comme les gens pas drôle acceptaient des blagues. Il disait “mmh mmh, oui, c’est puissant”, sans avoir mal, comme les autres ne riaient pas tout en avouant que c’était drôle. C’était fini dans sa paume. C’était là où ça avait fini sa course. Elle avait fait sa roulade, elle avait tenté de lui mettre des coups, elle avait touché que de l’acier. L'autre ne s'était pas retourné. Ses coups de poignets finirent dans les poignets adverse, et il eut un truc à dire sur sa “fourberie”.

”Tu t’serais retourné plus vite, j’t’aurais tapé en face, gneh !”

Fit-elle avec une grimace un peu disgracieuse, un de ses sourcils se relevant alors que sa langue appuya sur le plus de dents possibles, lui donnant un air débile l’espace d’un instant, alors qu’un sourire amusé absolument charmant ne prenne place sur son visage. À nouveau elle commençait petit à petit à s’amuser comme une gamine qui ne pensait à rien d’autre que de tacler quelqu’un et de rouler contre lui et de l’empêcher de se relever et qu’on lui roule dessus et que ce soit à elle de se relever et puis qu’on retombe et qu’on se relève. C’était les bagarres. C’était drôle, les bagarres. Elle réfléchissait moins à sa place dans l’univers et plus à ce qui serait la continuation de sa chorégraphie. Elle était moins vide et plus pleine de la joie débile et juvénile de pouvoir se défouler physiquement. Elle souriait comme si elle venait de regarder sur l’écran partagé de l’autre joueur pour le prendre en traître. Elle était mesquine mais sans plus. Elle était presque heureuse.

M’enfin, ça, ce fut avant son coup de poing superchargé, qui fut accueilli avec une explosion de flammes. De la chaleur concentrée et libérée sous forme pure. C’était trop cool à voir, en tout cas. Et c’était aussi cool de voir qu’il pouvait taire la chaleur quand il le voulait. Pouf ! Y avait plus de flammes ! C’était probablement facile à faire pour celui qui faisait du feu, mais ça n’empêchait pas que c’était le genre de détails qui était fun à regarder. Shemesh s’était relevée, et Jiren lui avait répondu qu’ils allaient continuer ailleurs, pour protéger l’écosystème.

”Ok, euh, on va où – ùùùÙÙÙÙÙùùùùù ???”

Shemesh s’était faite prendre la jambe et jeter dans les airs.

”-- OUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII –”

Et au final c’était assez comparable à des montagnes russes. L’adrénaline qui montait et qui descendant, les nerfs qui ne savaient pas où envoyer leurs molécules pour informer le corps de sa position spatiale. La chute libre, l’autodestruction, les émotions fortes, les couleurs qui s’alternent trop vite pour ses pauvres petits yeux. Elle avait mal à la tête, au cerveau qui se faisait touiller de force dans son propre jus. Et elle ne pouvait s’empêcher de sourire. Et puis elle se fit chopper par les poignets et jetée sur du sable. Et en fait, ce qu’on ne dit pas, c’est qu’une surface de sable c’est quand même sacrément solide !

”Aïïïïïïï… Aïaïeuh…”

Non seulement le choc avait résonné dans sa colonne vertébrale et dans le reste de ses os du dos comme si sa carapace interne avait vibrée en même temps, mais elle avait fini par avoir du sable dans les cheveux et à l’intérieur de son col. C’était assez chiant. Genre, honnêtement. C’était douloureux. Et puis

”Gl-kh ?!!”

Ah.

Ah ça faisait mal ça.

Ah… ah putain.

Le truc le plus malaisant dans la Shemesh qui se découvrait à chaque mésaventure – bon, en vrai il y en avait beaucoup. Mais parmi ceux qui l’étaient bien, il y avait le fait qu’elle comprenait quelque chose. L’amour de la douleur n’était pas sexuel. Elle avait bouffé des mangas au kilotonne, elle avait lu des fanfics, elle avait observé toute déconstruction de la souffrance comme vecteur de désir érotique et purement dégueulasse. Elle s’était tartinée de l’entièreté des fantasmes des adolescentes de son âge qui voulaient associer une absurdité physique à leurs méandres mentaux et hormonaux. Là où elles voulaient se faire étrangler et pigner, Shemesh voulait juste… C’était comme si elle était cassée et qu’elle voulait tout simplement que le monde la répare. Ou qu’elle avait décidé de mourir, mais s’était bornée à attendre que le monde finisse le travail. Ou peut-être tout simplement qu’elle cherchait à sentir autre chose que du vide et des souvenirs d’une Shemesh qui n’avait pas besoin de faire des efforts pour sourire. En soi, c’était un échappatoire à petite échelle, et la possibilité d’un échappatoire à plus grande échelle. C’était la marque d’une trouillarde. Encore et toujours.

Shemesh venait de s’être faite compresser la majorité de ses organes sous un double talon qui avait écrasé son abdomen. Elle ne connaissait pas trop sa propre anatomie. Y avait des gens qui avaient complimenté son extérieur, quelques toubibs qui avaient parlé à ses parents de son intérieur, et beaucoup de gosses qui s’étaient moquées des écailles sur ses mains ou des branchies qui ornaient ses poignées d’amour. Son vocabulaire n’avait jamais été assez développé pour lui permettre de comprendre exactement… c’était quoi qui lui faisait mal.

Et puis, sans souci aucun, elle poussa cette colossale ancre qui écrasait son estomac comme si des riens n’était. C’était Jiren. Elle venait de le pousser comme on aurait poussé un caillou gros comme un poing de son bidon. Elle ne s’en rendit pas compte parce qu’elle avait mal au ventre. Merde, elle avait du sang dans la gorge. Eurgh !

La dune de sable sur laquelle elle avait atterri n’était rien d’autre qu’un cratère, à présent. Elle se releva difficilement, mais elle parvint à se relever. Alors que l’intérieur de son corps se remettait en place tranquillement tandis qu’elle reprenait ses appuis, en se retournant, puis se mettant à quatre pattes pour appuyer sur ses bras pour revenir sur ses pieds… Elle se sentit comme un ballon qui se regonflait. Comme si elle s’était vraiment comprimée, en fait. Heh. C’était rigolo comme vision. Une Shemesh toute cartoon, comme ça. Heh… Heh heh…

”Hé hé hé hé hé hé hé hé hé hé hééééé… hééé hé hé héééé…”

Elle eut du mal à continuer son rire de beauf qui venait d’être trop fière de son bottle flip, son ventre lui faisant mal. Elle avait repris ses appuis. Son coeur battait dans ses oreilles, chaque papoum frappant contre ses tempes alors qu’elle était prise de fous rires imposés par les soudaines pulsions d’énergie qui se révelaient en elle. Elle se baissa en attrapant un caillou qui avait été couvert par le sable, avec un diamètre comparable à l’une de ses cuisses, avant de regarder Jiren, son visage enlaidi par son appréciation incommensurable pour la situation ainsi que les larmes, la morve et le sang sortant des trous respectifs de son visages, provoqués par la douleur d’une telle attaque que celle qu’elle avait reçu.

”Atta ! Atta ! On accélère les choses !”

Paf ! Elle éclata le caillou contre son front ! Un tonnerre retentit dans son corps, propageant moult gigawatts dans son système nerveux. Paf ! Elle frappa à nouveau, et son sang devint aussi bouillant que la chaleur entière de la lave au centre de la planète sur laquelle ils se trouvaient. Paf ! Elle anéantit la roche, laissant quelques shrapnels s’enfoncer dans sa peau, dans ses joues, dans le gras si mignon de son minois élevé dans le luxe alors qu’elle forçait chacun de ses neurones à se centrer sur la situation actuelle. La douleur avait manqué de la sonner alors que du rouge coulait contre son oeil et que des bosses s’étaient formées pour couvrir la partie choquée de son front.

”Hé hé… hé…”

Elle s’arrêta de rigoler comme une conne. Elle regarda avec sa vision sonnée ce qui l’entourait. Tout semblait troublé autour d’elle, comme si la buée remplaçait l’atmosphère. Comme l’air au dessus de la lave, mais en inverse. Comme si la lumière ne pouvait pas réfléchir des objets et ne pouvait que les traverser. Elle avait une aura qui anéantissait sa propre chaleur. Shemesh n’était pas invisible, c’était juste le doré qui aurait prendre place autour d’elle qui l’était. Elle n’était pas lumineuse. Elle était réfractaire.

”Bon ben… Aïe !... On continue, alors.”

Elle fonça alors à nouveau sur Jiren et fut impressionée de sa propre vitesse. Elle n’eut pas le temps de le frapper tellement elle était vite passée à côté de lui. En fait, elle avait atteri dans une dune au loin si vite que le sable dégagé par son saut n’était même pas atterri au moment où elle percutait sa colline d'atterrissage. Et là également, les grains mirent du temps à redescendre. Elle s’arrêta pour regarder. Ah ouais. À ce point. Elle devenait plus fort à chaque L, à chaque tragédie, même. Ou peut-être que c’est Jiren qui avait touché les endroits où ça faisait plus mal que ça ne faisait de dégâts.

”Tséh…”

Elle chargea alors à nouveau, encore à nouveau sur Jiren, cette fois-ci à la course, ignorant le sable, avec ses bras autour de sa tête dans sa petite boîte de confort. Elle lui envoya un uppercut. Le son éclata autour du coup. C’était impressionnant. C’était si rapide et si lent à la fois. Est-ce que c’était une lésion cérébrale qui lui faisait ça ? Ou bien est-ce qu’elle avait détriplé sa puissance ? Nan, nan, c’était juste le traumatisme crânien. Probablement.

Elle suivit son coup d’un saut. Un saut poussée par un vent froid éclatant sous ses talons, l’envoyant facilement rejoindre sa cible dans les airs avec suffisamment de vitesse qu’elle fit un salto avant pour prendre l’élan nécessaire pour fracasser le crâne de Jiren avec l’arrière de son talon. C’était cool ! Très cool ! Putain, elle… elle faisait des moves de ouf ! Elle faisait des moves de ouf et ça lui venait naturellement mais… mais c’était donc ça le pouvoir ? Faire des choré de zinzin parce qu’on avait juste le surplus corporel pour les faire ? C’était… putain…

Elle sentit alors toute cette douleur, et toute cette énergie centrée par la douleur se former dans l’un de ses poings. L’un de ses super coups de poing améliorés qui lui venaient de temps à autres. Un contre Yukko. Plusieurs contre Moro. Quand elle se focalisait sur elle-même, cette énergie venait. Et il y avait rien de plus facile pour se rappeler sa propre existence que la douleur. Je souffre donc je suis. C’était normal. C’était logique ! Oui, putain, qu’est-ce que c’était logique en vrai ! Elle descendit alors vers Jiren alors que son aura transparente éclatait petit à petit.

Bam.

Le coup de poing avait provoqué une déflagration encore plus incroyable que sa super explosion d’air frais de tout à l’heure, la même qui n’avait rien fait d’incroyable à Jiren. Elle s’était mise à le tutoyer dans son élan. Elle oubliait le respect, elle oubliait les règles, elle oubliait que les plantes pouvaient souffrir. Elle ne faisait que vivre dans le présent, intensément. Le sable fut dégagé jusqu’à ce qu’on l’on atteigne l’eau des nappes phréatiques. L’explosion fut entendue à des dizaines de kilomètres à la ronde. L’écho résonnait comme le rot d’un titan qui venait de se gratter le nombril. Elle eut l’impression d’être, l’espace d’un instant, d’un petit micro instant… la bombe. Comme si elle pouvait détruire une planète entre ses mains comme ça. Et elle…

Elle fut terrifiée.

”M’sieur Jiren ?! Vous allez bien ?”

Dit-elle dans l’obscurité de la fumée et de la poussière qui avaient été relevé dans le chaos. Avait-elle fracturé jusqu’à la plaque tectonique ? Elle n’en savait rien. Elle ne savait pas ce qu’elle avait cassé. Elle ne savait pas ô combien elle avait cassé. Elle n’avait pas les yeux pour. Elle n’avait pas les oreilles pour. Elle avait provoqué la vague de marée haute qui l’avait emporté et maintenant elle avait perdu ses appuis, s’était relevée et titubait au milieu d’un gros tas de gras qui retombaient tous petit à petit. Elle avait fait sa propre tempête de sable.

Quelle imbécile.

Il y avait des jours où on pouvait rire et rire et rire et rire sans cesse jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’en fait on était en train de pleurer. Nan… en vrai, beurk, c’était émo de fou. Shemesh avait juste très très mal à la tête et c’était pour ça qu’elle avait les larmes aux yeux. Mais ça avait impressionné Jiren. Il était bouche bée. Et ça, ça c’était pas donné à tout le monde. Impressionner un super-héros pouvait être coché hors de sa bucket list. Avec sa tête toute cabossée, Shemesh sentait la douleur sous plusieurs déclinaisons. Cela lui rappelait comment elle en était arrivée là. Se frapper la tête ainsi avec un caillou c’était… c’était si débile qu’elle pouvait presque en rire et en sourire. Dommage que son ventre refuse impérativement de reconnaître la possibilité de pouvoir être utilisé à des fins hilares, la marque des bottes de Jiren refusant d’être effacée de ses tripes. Ah, qu’est-ce qu’elle avait mal, putain. Qui avait l’idée de se frapper la tête autant de fois pour accumuler de la puissance ? Elle voyait tout bizarre, tout trouble, et même Jiren lui rappelait la stupidité de son plan. Mais…

”Faut que je démontre c’que je suis, nan ? Faut le faire…”

Elle fut interrompue par une soudaine migraine, comme un grincement direct dans sa tête, des ongles sur un tableau à craie, sauf que c’était les rides bien lisses de son cerveau qui étaient en train de se faire rogner. Elle eut limite envie de dégueuler… fort heureusement, elle n’avait rien mangé ce matin, et ce fut donc de l’eau mal redistribuée qui brûla un instant sa gorge avant de retourner à sa place. Elle ravala tout ça, avant de sourire avec ses dents aiguisées et pleines de sang et son regard qui se vidait un peu de sa vie.

”Faut le faire vite, nan ?”

Après tout, s’il fallait lui prouver que Shemesh ait une bonne volonté, autant le faire le plus vite possible, vu que sa survie en dépendait… Allons bon. Survivre. Survivre, pour Shemesh, ça voulait dire… ça voulait dire beaucoup de choses et rien à la fois. Shemesh était juste Shemesh, elle faisait ce qu’on lui demandait de faire, le plus vite et le mieux possible, pour qu’elle puisse plaire. Parce qu’elle voulait être serviable. Parce qu’elle était tout simplement complètement débile. C’était insoignable. C’était impérativement, linéairement, complètement Scaliover.

Et pis y a eu tout le fight, là. Shemesh l’avait forcé à lever le bras pour se protéger, ce qui était une grande victoire par rapport à son vieux regard derrière lui de tout à l’heure. Et puis il s’était pris un gros kick dans son gros crâne planétaire. Et au final, ils étaient tous les deux tombés au milieu de nulle part. Le milieu de nulle part en question ? Un tunnel qui venait d’être improvisé et inauguré, où tout le sable tombait comme si un ver gigantesque venait d’en sortir avant d’agiter la queue comme un dauphin pour s’écraser et replonger. Maintenant, ils avaient improvisé un puits. Et alors que le peu de neurones encore présents dans son esprit reprenait les rênes de sa stupidité, ses yeux purent apercevoir une soudaine aura. Beaucoup de rouge… Beaucoup, beaucoup, BEAUCOUP de rouge. Ah. Il s’énervait aussi. C’était… bien ??? Possiblement ? Elle n’en savait trop rien.

Le spectacle son et lumières qu’offrait Jiren brûlait le sable jusqu’à le rendre luminescent, transparent. Les vagues de lumières tentaient de bousculer Shemesh mais… elle ne semblait pas souffrir. Elle ne semblait pas s’écrouler. Elle ne semblait tout simplement même pas… sentir. Elle savait juste que Jiren était là, en train de se déchainer, alors que le sang sortait de ses plaies partout sur son crâne. Elle entendit Jiren dire qu’il allait lui présenter sa vraie toute puissance. Ah, ça aussi elle savait pas si c’était bien ou non. Mais la chaleur montait encore. Et Shemesh eut l’idée d’utiliser son Advanced Perditio Style pour contrecarrer toute cette poussée d’énergie. Alors que Jiren se relevait, entouré de rouge, Shemesh se tenait devant lui, entourée de bleu. C’en était comique ô combien ils semblaient être opposés et contrastes l’un de l’autre. Son sourire s’en était élargi, et d’autant plus quand il chargea avec un coup de boule. Car, ce que Shemesh avait appris sur elle-même, face à Moro… c’était à quel point elle aimait donner des coups de boules aussi.

Fléchissant ses genoux avant de contracter ses cuisses, elle bondit vers l’avant aussi, avant de sentir le choc neuronal transmis de fond en comble dans chacun de ses nerfs, l’impact faisant branler tout ses organes et les muscles qui les maintenaient liés tous ensemble. L’onde provoquée par l’impact de ces deux camions citernes força la chute de sable autour de leur tête à cesser durant une bonne seconde, poussant les grains dans leurs retranchements le temps que le coup pour coup se fit tranquillement sans qu’ils ne viennent s’incruster dans les yeux ou les vêtements.

Mais c’est alors que du orange vint bruler sa combinaison jaune et qu’elle sentit son front râper verticalement. Elle venait de se prendre une douleur bien ressentie dans le bidon, et cette même douleur était en train de la faire perdre ses appuis et s’envoler vers d’autres cieux. Comme les gardiens de but dans les vieux dessins animés qui se faisaient emporter par le ballon, Shemesh était recroquevillée de force autour de la sphère, qui l’emportait à toute allure vers d’autres cieux… Jusqu’à ce qu’en fait, non ! La bouboule venait d’exploser ! Et Shemesh eut un gros flash de lumière en plein dans la gueule alors que le reste de son corps sentait le jaune de ses fringues se faire roussir.

Quand elle rouvrit les yeux, alors que du sang inondait sa gorge, elle se rendit compte, instinctivement debout, que leur vieille caverne était maintenant devenue un cratère, avec des flammes et du verre d’un côté, et de la neige et de la glace de l’autre. Un vrai showdown visuel à colorimétrie contrastée comme elle en avait rêvé auparavant, dans sa jeunesse, avec ses dents acérées bien loin d’être alignées devant sa télé. Maintenant, elle sentait l’ivresse que ressentaient tous ces dessins animés de sa tendre enfance. Elle avait mal partout, et pourtant elle ricanait. Elle releva ses poings, et se refit sa petite boîte protectrice, sa garde à elle. Jiren lui disait qu’elle ne devait plus lui rester beaucoup de temps avant que la fatigue et la douleur ne reprennent le dessus. Oui. Peut-être.

”Bah, l’objectif ça va être de pas décevoir, hein ?”

Allez. Temps de recevoir du saint esprit. Elle se mit alors à charger dans la direction de Jiren, le terrain froid sur lequel elle courait devenant rapidement feu brûlant. Son sprint ne s’arrêta pas quand elle arriva vers le colosse aux épaules ridiculement larges, alors que ses hanches se tournèrent vers l’arrière puis immédiatement vers l’avant, envoyant tout l’élan possible dans un énorme crochet droit qui manqua de lui éclater ses propres tympans par la simple onde de choc qu’elle causa par sa propre attaque. Et le temps sembla ralentir sous l’impact du coup et de son receveur, le silence de la pression se faisant abominable pendant l’unique seconde de l’impact, avant qu’elle n’envoie Jiren plus loin dans le désert par la seule force de son attaque. Bam !

Mais ce n’était pas le moment de s’arrêter. Elle continua son sprint dans le sable, jusqu’à ce que des bouffées d’air froid se mettent à éclater sous ses chaussures. Plus puissantes, plus tonitruantes qu’avant, sa surpuissance douloureuse se faisant ressentir même dans sa maîtrise du froid. Maîtrise ? Peut-être qu’on pouvait parler plus d’abus. Il n’y avait aucune didactique dans la surcharge d’énergie qu’elle mettait dans sa cryokinésie. C’était un pur surplus de nitro dans le moteur qui lui permettait d’arriver à des vitesse incroyables. Elle était en pure incontinence énergétique, sa douleur métamorphosée en ki sortant de tout ses pores alors qu’elle chargeait en direction de Jiren. Et comme si elle avait un ballon en main, elle fracassa son poing sur son crâne avec la puissance de tous les dunks !

S’écrasant elle-même après son move par manque de maîtrise de son élan et de son atterrissage, elle se retrouva à rouler comme une grosse merde après sa mini choré, mais ses réflexes petit à petit améliorés après des heures à se faire casser la gueule lui permirent de faire une roulade, une vraie, une tactique qui lui permit de se réceptionner après quelques précieux moments gachés par son inaptitude. Enfin, elle revint à la charge, relançant sa charge en se propulsant vers l’avant, se poussant vers l’avant avec les mains en mode rame avant de courir à nouveau sur ses jambes, agitant ses coudes pour accompagner son sprint alors qu’il lui semblait parcourir au moins vingt mètres dans chaque saut de sa course !

Vingt mètres, trente mètres, bientôt… un super saut ! Un super méga saut de la mort qui tue ! Perçant le mur du son, il lui sembla qu’elle venait de se téléporter ! Mais non, elle avait juste sauté vers l’avant, tant qu’elle avait perdu son équilibre en plein air… Mais attend ! Quelle belle idée ! Avec les pieds maintenant vers l’avant, elle se recroquevilla, et au moment magique, comme si son esprit était hyperconcentré sur son objectif, le temps sembla s’arrêter quand elle arriva au niveau de Jiren… comme un QTE… Comme un putain de réflexe éclair… elle tendit ses jambes et fit un énorme dropkick dans la gueule à Jiren.

Sautant vers l’arrière après son coup, elle sentit sa surpuissance monter à son paroxysme… et à travers son inconscience approchant dramatiquement, elle sentit que ce fut le moment. Il fallait finir l’enchaînement avant de tomber par terre. La sphère de glace… non, de destruction de chaleur, le froid absolu qui pouvait annihiler toute sensation au contact. Une explosion de froid qui pouvait transformer tout endroit en antarctique. Le centre du vide et de la matière noire. La sphère se concentra dans ses mains… Cela devint de plus en plus gros, de plus en plus dense. À sa surface, la vision de cette énorme boule semi-transparente semblait infliger des dégâts à la gravitation et au temps lui-même… Ce que Jiren voyait derrière, les oiseaux, les nuages, semblaient apparaître dans la réflexion alors qu’ils avaient quitté l’espace correspondant à cette énorme boule-loupe.

Et enfin, elle lâcha cette boule de zéro absolu sur Jiren. Un autre jet. Plus qu’à voir ce qui allait se passer.