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 "Du Sang sur les Mains."

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Cabba
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MessageSujet: "Du Sang sur les Mains."   "Du Sang sur les Mains." ClockMar 8 Juin 2021 - 20:00
Cabba se réveilla, paniqué et en sueurs dans la chaleur moite de son sac de couchage. Il écarta sa couverture de survie d’une main tout en posant l’autre sur sa poitrine, cherchant à apaiser la cadence irrégulière de sa respiration. Son cœur tambourinait douloureusement à ses tempes et tout semblait flou autour de lui. Mais aussitôt après avoir regardé tout autour de lui, il réalisa que le soleil venait à peine de se lever et qu’il était dans sa tente, ses affaires personnelles rangées non loin de ses bras, toujours en patrouille dans le désert de l’ouest. Alors que son rythme cardiaque ralentissait et qu’il enlevait sa main de contre son torse, il ressentit un grand soulagement. Il était bel et bien sur Sadala, il était encore en mission avec son escouade d’élite, ils en étaient à leur troisième jour de ronde et leur itinéraire ne tarderait pas à les faire revenir vers la capitale s’ils ne trouvaient rien d’anormal à rapporter auprès de leurs supérieurs.

Les premières lueurs du jour s’étaient déjà glissées entre les pans de sa tente et il entendit le crépitement d’un feu de bois au dehors. Un de ses subordonnés avait dû se lever pour préparer le déjeuner, alors il s’étira et se laissa guider par la senteur des légumes en bouillie et de la viande fumée. Ce n’était pas en restant affamé plus longtemps que le gargouillement dans son estomac allait se calmer.

Comme il s’en doutait, un de ses partenaires avait décidé d’allumer son réchaud et de préparer quelque chose en attendant que le reste du trio veuille bien sortir de son camp. Il s’approcha du membre de l’unité de reconnaissance qui lui avait été recommandé pour cette routine, tandis que ce dernier continuait de remuer le contenu de la casserole qu’il utilisait.

"Je vous ai entendu remuer quand je me suis levé. Vous avez si mal dormi que ça, capitaine ?"

Cabba lui sourit, bien que son interlocuteur ne se soit pas retourné.

"J’ai fait un rêve étrange, voilà tout." marmonna-t-il, plus pour lui-même.

Entre temps, une bonne portion de riz gluant était venue s’ajouter aux légumes et à la viande découpée en dés.

"Mmh, vraiment ? Et vous avez rêvé de quoi ?"

Scalio lui adressa un rapide coup d’œil, après quoi il se remit à surveiller le feu sous la casserole. En repensant à son état de panique un peu plus tôt, Cabba se demanda une fois encore : pourquoi avait-il fait un rêve aussi tragique ?

"Ça n’a pas d’importance, tout va bien maintenant."

Oui. Tout était enfin dans l'ordre.

"Vous êtes sûr ?"

Il se sentait à la fois embarrassé et confus, sans pouvoir mettre des mots sur le sentiment qu'il éprouvait.

"Désolé de vous avoir réveillé."

"Bah, vous en faites pas trop, j’étais déjà debout de toute façon."

Soulagé qu’il ne lui pose pas plus de questions, il s’approcha du réchaud à bois pour s’asseoir à ses côtés, conforté par la présence rassurante de son subordonné. Depuis combien de temps n’avait-il pas eu une discussion simple et amicale avec un autre membre des Forces de Défense, ou avec l’un de ses pairs, ou même avec qui que ce soit ? Bien qu’il se sache entouré, il ressentait une profonde impression de solitude à l’emplacement de son cœur.

"Dites-moi, Scalio ?" demanda humblement Cabba, sachant que la concentration de son ainé était centrée sur la première ration de la journée.

"Oui, capitaine ?"

Une réponse encore un peu fatiguée alla à l'encontre de sa question.

"Je me demandais juste... Nous sommes-nous déjà rencontrés ?"

Un rire amusé s’échappa de la poitrine de Scalio et résonna dans l’air comme le grondement d’un orage.

"C’est plutôt à vous de me dire ça, non ? Ne me dites pas que vous êtes devenu amnésique pendant la nuit, quand même !"

Le jeune prodige détourna le regard, surpris par sa déclaration. Pourquoi serait-il le seul à s’en rappeler ? Quelque chose n’allait pas...

"Vous êtes si pressé que ça qu’on fasse connaissance ? Ne vous inquiétez pas, nous aurons le temps de nous revoir. Mes supérieurs ont détecté une intrusion dans le champ de force de la planète hier soir, sans doute les alliés de ce misérable Vegeta entrain de préparer leur riposte."





"Pardon ?"

Abasourdi par ces mots, Cabba se redressa d’un bond soudain, à en mordre sa langue dans la foulée. Etait-il encore entrain de rêver ?

"C'est un peu pathétique de s’en tenir aveuglément aux ordres même après la mort de leur roi, hein ?"

Scalio s’était tourné vers lui, mais il lui manquait les traits de son visage, comme s'il avait été complètement défiguré. Perturbé par cette vision dérangeante, le pauvre défenseur recula de quelques pas puis tomba en arrière, atterrissant brutalement sur de la terre humide et ensanglantée d’un hameau qu’il ne reconnaissait que trop bien.

Non !

Son regard se leva pour voir Scalio le dominer, aussi inéluctable que la créature gargantuesque qu’il était dans ses rêves.

Pas maintenant !

Ses côtes s’enfoncèrent en un horrible craquement sous les bottes de son associé alors qu’il cherchait à se relever, à faire entendre raison à son partenaire, mais il ne restait plus rien de l’allié qui se tenait à côté de lui quelques secondes auparavant.

Pourquoi ?!

Il se mit alors à rire, avant autant de cruauté que dans ses traumatismes les plus enfouis. La douleur se répandit dans ses veines comme du souffre, se déversa dans ses blessures pour mettre le feu au reste de son corps écorché.

"C’est terminé..."

Ses mains lui saisirent le visage au niveau des tempes : ce qui ressemblait à une boule d’énergie destructrice se forma dans ses paumes et Cabba poussa un râle tandis qu'il se désintégrait peu à peu dans le Néant.


Dernière édition par Cabba le Sam 12 Juin 2021 - 18:17, édité 2 fois
Cabba
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MessageSujet: Re: "Du Sang sur les Mains."   "Du Sang sur les Mains." ClockMar 8 Juin 2021 - 20:40
Cabba sortit brusquement de son cauchemar, le cœur battant à tout rompre et le goût nauséabond du sang dans sa bouche. Mais à peine il réussit à se redresser, égaré et affolé, qu’il sentit ses angoisses se reformer au bord de sa conscience. Il savait qu'il serait incapable de les arrêter. Comme pour tout le reste.


Elles s’écrasèrent sur lui comme une averse.


Tout d’un coup, il se trouva incapable de respirer. Incapable de déglutir. Incapable de crier à l'aide. Il avait l’impression de se noyer, se noyer à l’intérieur de lui-même, se noyer dans ses propres larmes qui débordaient sans prévenir sur ses joues ensanglantées. Comme à travers du coton, il s’entendit gémir de douleur et sangloter sans pouvoir se retenir. Sa vision était floue, si floue, et ça lui faisait si mal que ses pensées n’avaient plus aucune cohérence, que son cœur paraissait sur le point de céder, que ses poumons s’embrasaient à chacune de ses inspirations.


Il n’y avait pas assez d’air.
Il était seul et il ne pouvait plus penser.
Il ne pouvait plus respirer.
Il allait mourir.



Son corps se recroquevilla sur lui-même, courbé en deux comme s’il se faisait minuscule, encore plus minuscule qu’il ne se sentait déjà, en l’espoir de se maintenir entier et de trouver une issue à sa perdition. Mais aucune pensée n’atteignait son cerveau. Il était vide. Seule la douleur s’était fait une place dans sa poitrine, dans son cœur, dans ses côtes, dans ses intestins. Ses tripes se tordirent puis se serrèrent en une décharge de convulsions irrépressible, et le contenu de son estomac se dégorgea devant ses genoux.

Un autre sanglot assécha ses lèvres, le sel de ses larmes dégoulinant âcrement sur sa langue. Un mince filet de sang se mélangea au goût de la bile qui envahissait sa bouche et un énième spasme vint le secouer à nouveau. Il était agenouillé sur le sol, il sentait l’herbe encore gorgée d'humidité sous ses paumes et la terre meuble sous ses pieds. Mais les ténèbres qui obscurcissaient les environs l’empêchaient de prendre conscience d’où il se trouvait vraiment.


Il n'y avait pas assez d'air.
Ses poumons réclamaient de l'air.
Et c'était si dur de respirer.
Pourquoi n'y avait-il pas d'air ?



Cabba sentit le monde basculer sous lui. Il se sentait étourdi. Sa précieuse énergie sembla décidée à sortir de son corps, hors de contrôle, à se dissiper jusqu’à ne plus le protéger, ne plus lui appartenir comme des pièces entières de sa vie manquaient à sa mémoire, comme son identité avait été piétinée, comme sa dignité avait été réduite en poussière.

Il savait que sa respiration était discontinue, il savait qu’il était toujours entrain de se soulager de la tristesse qu’il contenait depuis tout ce temps, mais il ne pouvait pas s'arrêter. Il ne pouvait pas continuer dans cet état. Il avait tout fait. Et ce n’était pas assez. Ce n’était jamais assez.

Il l'entendit comme s'il était au fin fond de l'océan.

"Respire !"

Il voulait respirer, bien sûr qu’il voulait, mais il ne pouvait trouver l’air qui lui manquait, l’air pur de sa terre natale. Pourrait-il un jour revenir sur ses pas ?

Au loin, il sentit quelque chose le toucher. Mais il ne pouvait pas se concentrer dessus, tout ce sur quoi il pouvait se concentrer était le mal-être qui le pétrifiait, l’envie d’arrêter, d’arrêter de souffrir, d’arrêter de faire souffrir.

"Respire !"

De la cendre dans ses poumons. Une main sur son dos. Le goût du sel et du sang dans sa bouche. Tout était flou et sombre, il était sur le point de s'évanouir. De tout abandonner. Il le désirait tant, mais il ne pouvait pas.


Il se sentait si faible, si inutile, si vain.
Tellement incompétent.
Tellement perdu.
Tellement épuisé.



Ses paupières lui faisaient si mal qu’il ne pouvait les garder ni ouvertes ni fermées. Son estomac se retourna encore, à quelques secondes de lui faire recracher ses viscères.

Puis, il l’entendit à nouveau. Une voix distante et lointaine...

Une voix qu’il avait déjà entendu ?

"Respire, Cabba. Respire."

Et cette fois, il put l’écouter.





L'air remplit enfin ses poumons atrophiés après ce qui lui sembla être une éternité. Il se sentit aussitôt soulagé. Il n’allait pas s’étrangler sous le poids de son propre désespoir. Pas encore.

"Respire avec moi, d'accord ? Inspire. Expire. Inspire. Expire. Inspire. Expire."

L’intonation rassurante paraissait vouloir le guider et il fit ce qu’on lui disait, suivant les instructions simples qui lui étaient données. Après quelques minutes, les ténèbres desserrèrent l’emprise qu’elles avaient sur son être et sur son cerveau. Et il put se concentrer pour apprivoiser son ki, pour le ramener dans son corps, dans son cœur, en sécurité, bien au chaud, bien en vie. Son estomac était toujours écorché, mais au moins, les nausées avaient disparu. Les battements de son cœur ralentirent dans ses oreilles, puis sa vision se rétablit enfin.

La première chose qu'il vit fut ses mains, ainsi que les restes de ce que son estomac contenait. Il ne put s’empêcher de grimacer à la vue du sang qui avait séché sur la surface de son armure. Il se souvenait à peine de ce qui s’était passé avant que... avant que...

"C'est bon, nous nous occuperons de tout ça plus tard."

Cabba tourna la tête pour apercevoir un félin près de lui. Une de ses pattes s’affairait à masser une partie de son dos d’un geste lent et maitrisé. Ce gros chat blanc était doué de parole, et il en déduisit que c’était à lui qu’il devait son retour dans la réalité. Dans l’autre patte de l’ermite se trouvait un bâton qui devait au moins faire deux fois sa taille, au bout duquel une jarre en porcelaine était suspendue. Son ronronnement était parfaitement calme, ce qui permit à son cœur bouleversé de reprendre une cadence plus sereine.

"Je suis désolé..." murmura-t-il, sa gorge encore rauque.

Le matou semblait sincèrement préoccupé par son état. Comme une vieille connaissance qu'il n'aurait pas vu depuis des mois, voire des années.

"Tu as eu une crise de panique. Ton énergie vitale était si agitée que je t’ai trouvé tout de suite."

Cabba hocha la tête. Il en avait plus que jamais conscience.

"Je... Je sais."

Cette affirmation sembla inquiéter plus encore son bienfaiteur, qui lui adressa alors un regard interloqué. Il l’aida malgré tout à s’asseoir contre le tronc d’un arbre, aussi lentement que possible pour ne pas trop le brusquer.

"Tu as de la chance, ma Tour n’est pas bien loin d’ici. Mais avant toute chose, tu dois te mettre quelque chose dans le ventre, sans quoi j'ai bien peur que tu n'aies pas assez d’énergie pour faire plus de trois pas !"

Quelque chose l’empêcha de s’adosser confortablement : à sa ceinture, l’épée dimensionnelle était revenue dans son fourreau. Il en profita pour vérifier ses possessions, mais son corps engourdi par l’épuisement était si lourd qu’il ne se sentait plus capable de bouger du tout.  

"Quand même, je n’aurais jamais cru te revoir dans de telles circonstances. Ta quête n’a donc pas abouti, Cabba de Sadala ?"

Ce fut au tour du prodige de lui lancer un regard déconcerté.

"Comment savez-vous pour..."

Le sage laissa échapper un petit rire amusé, tout en agitant son bâton.

"Oh oh ! Il semblerait que tes dernières péripéties aient chamboulé tes esprits. Attends donc ici, que j’aille te chercher un petit remontant."

"Vous..."

"Nous parlerons ensuite de tout cela."


Ce ne fut qu’après le départ de l’ermite qu’il remarqua la terre calcinée autour de lui, qu’il sentit sa peau tiraillée par ses larmes, ses paupières collées par le sang sur son visage. Il contempla la forme rougie et gonflée de ses doigts, des hématomes sur ses bras et sur ses cuisses, des extrémités blanchies de ses articulations.

Il se jura alors que cela ne se reproduira plus jamais, mais après ce qui venait de se passer, il n’était plus aussi certain d’être en mesure de tenir ses promesses.
Cabba
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MessageSujet: Re: "Du Sang sur les Mains."   "Du Sang sur les Mains." ClockMar 15 Juin 2021 - 23:30
Fidèle à sa parole, le matou à la fourrure blanche revint au bout d’un bon quart d’heure, portant à bout de pattes une épaisse boite en bois laqué. Au bout de son bâton était toujours accrochée la sorte de récipient en porcelaine ornée d’un emblème en or, mais cette fois, il contenait une senteur parfumée qui s’échappa de sous son couvercle jusqu’à embaumer leurs narines.

"Heureusement pour toi que j’ai gardé conservé quelques restes de la veille" confia-t-il en déballant les différents compartiments. "Ce n’est pas tous les jours que l’on me sert un repas aussi riche, oh oh ! C’est ça d’être une des plus grandes légendes des environs…"

Encore embrouillé, Cabba considéra un à un les différents mets qui lui étaient proposés, mais encore sous le coup du stress, il ne se sentait pas d’avaler quoique ce soit. Cependant, comme pour acquiescer à la proposition de l’ermite, l’estomac de Cabba se fit entendre sur des mètres à la ronde. Le matou ne put s’empêcher de rire de bon coeur.

"Eh bien, mon garçon ! Depuis combien de temps n’as-tu rien mangé ? Je ne me risquerai pas à laisser un saiyan comme toi affamé en pleine nature. Sers-toi donc, je t’en prie."

Il envisagea l’ensemble de plats disposé sous son nez, allant du mélange de légumes croquants aux brochettes de viande caramélisées en passant par des nouilles sautées, plusieurs variétés de riz, des confiseries montées comme des offrandes et autant de sauces et d’assaisonnements qu’il pouvait compter de doigts sur ses mains.

"Comment savez-vous que je suis un saiyan ?"

Il lui avait été raconté que dans l’univers 7, les saiyans naissaient tous avec cet appendice postérieur que leurs congénères de l’univers 6 s’étaient évertués à faire disparaitre depuis des générations, craignant que cela ne renforce l’agressivité qui était naturellement contenue dans leurs gènes. Une telle ablation leur avait permis de maitriser ces instincts redoutables, mais ils avaient été ainsi dépossédés d’un moyen de communication qui leur était unique. En raison de son absence de queue, Cabba pouvait donc être aisément confondu avec un simple terrien : pourtant, le sage n’avait pas hésité une seule seconde avant de confirmer ses véritables origines.

"Tu as vraiment dû tomber sur la tête pour ne plus te souvenir de ta dernière venue. Ce n’était pourtant pas si loin, si je ne dis pas de bêtises… Es-tu bien sûr que tu ne te joues pas de moi ?"

Son museau remua avec amusement alors que son interlocuteur ne parvenait plus vraiment à trouver ses mots. Il réfléchissait tant que sa bouche avait du mal à énoncer avec clarté ce qui lui passait par l’esprit.

"Tu devrais manger tant que tu en as encore l’énergie." lui répéta le félin sacré avec une grande patience, tout en remplissant généreusement un bol de nouilles sautées. "Tu es si concentré sur ce que tu as dans ton esprit que tu n'écoutes plus les besoins de ton propre corps. L’un et l’autre vont ensemble et il faut en prendre soin tout autant."

Le survivant ne savait pas combien de temps il était resté évanoui dans cette forêt, perdu dans les ténèbres de son inconscient. Il ne savait pas où était l’endroit d’où il était parti, ni là où il devait se rendre. Il était certain de ne pas avoir mangé depuis des jours, peut-être des semaines, mais il n'avait pas faim pour autant. Sa respiration était pesante. Sa gorge était sèche. Il n'était pas sûr de sentir ses doigts bouger ou ses jambes se mouvoir : il devait se faire une raison et se remettre en forme, sans quoi il ne pourrait pas continuer à avancer. Il attendit que le gros matou ait fini pour se servir à son tour, mais son estomac était encore noué et il se força à avaler le contenu de son propre plat sans grand appétit.

Ils partagèrent leur repas dans un silence confortable, à l’ombre de ce début d’après-midi ensoleillé. Après toutes ces averses subies sans aucune trêve, ce moment de calme était une éclaircie inespérée dans la tempête incessante qu’il traversait. Il aurait montré sa reconnaissance plus ouvertement si seulement la dépression qui assombrissait son cœur jour après jour ne le rendait pas de plus en plus apathique.





Peu à peu, son corps retrouva ses forces et ses pensées lui paraissaient moins désordonnées. Alors que ses bouchées se faisaient de plus en plus grosses et que des bribes de souvenirs lui revenaient petit à petit, il ne chercha pas à retenir les larmes qui coulaient abondamment le long de ses joues.

"Et si tu me racontais ce qui s’est passé ?"

Cabba resta silencieux, plus longtemps qu'il ne l'aurait voulu.

"Je ne me souviens pas vraiment être déjà venu ici. Pourtant, vous savez qui je suis et ce que je suis venu faire."

Ses doigts effleurèrent sa nuque.

"Je pense que ma mémoire…"

Puis ses tempes.

"Je pense… Je ne sais pas. Je ne sais plus quoi penser."

"Mmh."

Un coup de vent se faufila entre les branches des arbres au-dessus de leurs têtes, provoquant l’envolée en panique d’une nuée de jeunes oiseaux. Mais il était bien trop envahi par son chagrin pour leur prêter attention.

"Je sens bien que tu n'es pas disposé à me raconter tout de suite."

Les moustaches de l’ermite s’agitèrent au gré du vent.

"Je peux lire dans tes pensées, tu sais."

Son interlocuteur détourna la tête et quelque chose en lui se crispa aussitôt. Pendant un instant, il s’attendit à ce qu’il ouvre la bouche et se déleste enfin de ce mal qui pesait sur ses épaules, mais ses lèvres entrouvertes se refermèrent et tous les muscles de son corps se contractèrent comme pour se protéger. Ses joues maculées de sang étaient redevenues sèches. Le maitre haussa ses épaules tout en avalant le reste de sa portion.

"Malheureusement, je ne peux pas lire dans les souvenirs des mortels… Je n'aurais pas besoin de te demander de me raconter tes aventures, sinon."

Il sentait bien que l’indolence de Cabba n’avait rien à voir avec l’enthousiasme qu’il arborait d’habitude : le jeune homme serviable et plein de vie avait fini par devenir un soldat sans certitude ni fin en soi. Qu'avait-il pu se passer de si tragique pour qu'il ne soit plus que l'ombre de celui qu'il était avant ?

"Si ta camarade était parmi nous, peut-être qu’elle saurait me dire ce qui a bien pu t’arriver."

Son visage renfermé s’ouvrit enfin un peu plus, bien que la noirceur de ses pupilles ne contienne pas la moindre étincelle.

"Ma… camarade ? Non, je suis venu seul."

La confusion était palpable dans son regard, mais le sage se doutait bien que son message avait touché juste, d’une façon ou d’une autre, à travers la carapace imprenable dans laquelle il s’était isolé.

"Je pensais qu’elle avait fini par te rejoindre, mais il semblerait que je me sois trompé." avoua le félin, ses oreilles rondes tournées vers le bas. "Tu t'es tant démené pour la retrouver et voilà que vos chemins se sont séparés aussi vite qu’ils se sont rencontrés."

Malgré tout, le jeune prodige ne semblait pas vouloir le croire. Il était si désespéré qu’il serait prêt à saisir n’importe quelle bouée de sauvetage qui lui était tendue. Et pourtant, il continuait à se tenir en apnée dans un océan si profond qu’il était à peine capable de remonter vers la surface.

"Vous êtes certain qu’une saiyan originaire de Sadala est venu vous voir ?"

Peut-être qu’il n’en avait plus la force.
Peut-être qu’il avait fini par abandonner.

"Je me souviens très bien de son apparence timide, mais aussi de sa détermination à toute épreuve. Curieusement, elle était aussi à la recherche de quelqu’un… Mais lorsque tu t’es présenté à moi, j’ai bien compris que tu n’étais pas la personne à qui elle s’attendait. Malgré tout, tu as insisté pour entrer dans la dimension de l’Eau Sacrée…"

Au bout de quelques secondes, ses prunelles s’élargirent comme s’il venait de se rappeler de quelque chose.

"Kale…" finit-il par articuler. "Kale, c’est bien elle ?"

"Tout à fait, mon garçon. Ensemble, vous avez réussi à triompher des épreuves qui vous ont attendu ce jour-là ! Mais c’était il y a bien des mois, depuis la Terre a connu bien des désastres..."

"La guerre entre l’Armée Saiyan et les Plumes Noires…"

"Mais pas seulement, bien que ce drame ait dévasté une grande partie de notre belle planète. Quelque chose a perturbé l’équilibre du cosmos et depuis, les Dieux et les Démons semblent déchainer leurs passions sur notre univers. Même le Dieu de la Terre ne sait plus que faire pour nous protéger de leur colère…"

Le félin s’inclina pour ranger son plateau et reposer le bol qu’il avait entre ses pattes.

"Cela doit bien faire plus de huit cent ans que je suis l’un des gardiens de la Terre. Mais en ces temps difficiles, tout ce que je peux faire est de guider les âmes courageuses qui désirent avoir les moyens de se défendre. C’est pour cette raison que j’ai entrainé et conseillé ton amie avant que celle-ci ne parte vers une autre destinat—"

"Elle est morte."

Les mots avaient résonné hors de la bouche de Cabba avec une telle froideur que tous les poils de sa fourrure s'étaient dressés de surprise.

"Elle est morte, sinon j’aurais ressenti son énergie pendant que j’étais à la recherche de Vegeta et de la famille Briefs. Elle est si forte que je l’aurais ressentie sans le moindre doute, peu importe la distance."

Il devina une forte tension et une profonde angoisse dans son assurance, et malgré ses propres inquiétudes, son premier instinct fut de le rassurer sur la bonne santé de sa disciple.

"Je suis désolé d’entendre ça. Mais il faut que tu crois en elle, que—"

"Comment pouvez-vous en être si sûr ?"

Son aura se mit à s'agiter, faisant déborder le contenu des récipients autour de lui en une onde de choc.

"Toutes les personnes que je connaissais sur cette planète sont mortes durant la guerre ! Je suis coincé dans cet univers qui n’est pas le mien et ma seule chance de pouvoir revenir sur Sadala a disparu sans que je n’ai pu faire quoi que ce soit ! Si tous les défenseurs de la Terre n’ont pas pu échapper aux explosions des bombes, alors il n’y a aucune chance qu’elle ait survécu ! Parce que personne n’a survécu  et que je n’aurais pas dû survivre non plus !"

Cabba se tut aussitôt. Il n'avait pas réalisé la froideur dans ses paroles, la fureur qui bouillonnait à travers chacun de ses mots. Sans le vouloir, ses poings s'étaient resserrés, les jointures de ses doigts devenues blanches là où elles s'enfonçaient dans sa chair. Il étouffait, il était en sueurs. Il poussa un long soupir.

"Je ne sais pas comment tout cela a pu arriver, ni même si j’ai une responsabilité dans tout ça. Je n’ai plus aucun contrôle sur mon corps ou sur mon esprit. Je ne sais même pas pourquoi je continue à me battre."

Il sentait comme un trou dans son cœur. Un vide qui s’agrandissait à chaque fois qu'il pensait se rapprocher de la vérité. Une absence qu’il ne parviendra jamais à combler.

"Je ne sais même pas pourquoi je suis encore en vie..."

Quelques minutes passèrent.
Le matou avait attendu qu’il regagne son calme, non pas avec dédain, mais avec une grande compassion.

"Que dirais-tu d’un peu de thé ?" lui proposa-t-il avec douceur. "Ensuite, un peu de méditation nous fera le plus grand bien, crois-moi."

Un cœur aussi découragé que le sien avait besoin de temps pour retrouver de l’espoir, même si ses blessures ne guériront certainement pas en quelques heures. Il fallait juste qu'il se sente en confiance. D’un geste souple, il rapprocha la théière et commença à remplir les tasses en porcelaine jusqu’à ne plus en voir le fond. Au-dessus de leurs têtes, quelques nuages se mouvaient lentement et paisiblement dans le ciel clair, confiants qu’ils atteindraient leur destination où qu’elle puisse se trouver.


Dernière édition par Cabba le Ven 6 Aoû 2021 - 19:44, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: "Du Sang sur les Mains."   "Du Sang sur les Mains." ClockVen 18 Juin 2021 - 12:34
Une tasse de thé vert fut déposée devant lui, mais il ne la saisit pas tout de suite. Il avait été rétabli, nourri et traité avec une telle générosité qu’il redoutait que cela soit encore une énième déception. Pourtant, le gardien de la Terre se montrait complètement désintéressé, pour des raisons qu’il ne parvenait pas à comprendre. Pour la première fois depuis son départ de Dösatz, il se sentait en sécurité, quand bien même il ne pouvait taire le sentiment de méfiance qui avait pris place dans toutes ses pensées. On s’était tant servi de lui, de sa bonté et de sa confusion que son cœur avait fini par se refermer face à toute forme d’altruisme.

L’ironie du destin avait voulu qu’il en vienne à remettre en question les valeurs morales qui faisaient sa fierté : dans ce monde en pleine déchéance, jamais sa bonne conduite ne lui avait semblé si futile.

Il prit le récipient entre ses mains et contempla le liquide sombre à l’intérieur pendant un long moment. Dans son reflet, il se vit tel qu'il était avant : le plus jeune capitaine des Forces de Défense de Sadala, plein de bon sens, digne de la confiance de son peuple et de son souverain, lui reprochant amèrement d’avoir désobéi à ses propres principes. Le héros qu’il pensait être semblait n’être plus qu’un souvenir voué à rester lointain. Ses doigts se resserrèrent autour de la tasse, fissurant la porcelaine sans pour autant la briser. L’infusion encore chaude s’écoula le long de ses poings, laissant apparaitre quelques rougeurs qu’il ressentit à peine. Après quelques secondes, les feuilles de thé étaient remontées à la surface, emportant son double dans leur tourbillon. Il secoua la tête puis avala la boisson par petites gorgées.

Il avait changé, et il n’était pas tout à fait sûr de ce qu’il ressentait à ce propos.

Tandis qu’il finissait le contenu de sa tasse, le gros chat eut une idée formidable : si les haricots sacrés qu’il faisait pousser étaient capables de guérir les blessures et d’éliminer la fatigue, peut-être que l’ingestion de l’un d’eux pourrait avoir des effets bénéfiques sur sa plasticité cérébrale. Ce ne serait pas la première fois qu’il verrait des combattants retrouver miraculeusement leur forme, voire même améliorer leur endurance, alors qu’ils se trouvaient dans un état déplorable. Mais maintenant qu’il envisageait cette possibilité, l’un des disciples qu’il avait entrainé voilà des décennies n’avait jamais récupéré du choc à la tête qu’il avait reçu dans sa jeunesse, même après la quantité impressionnante de senzus qu’il avait avalé. Ça ne l’avait pas empêché de mener une vie pleine de rebondissements, d’avoir une famille et des amis sur qui compter, même s’il n’avait eu de cesse de prendre des risques inconsidérés.

"Méditons, à présent."

Mais le moral de Cabba était bien trop instable pour que le maitre de Son Goku veuille lui remettre le fruit de ses précieuses récoltes. Le matou était d’une nature généreuse, mais il n’était pas moins prudent face à des êtres au cœur tourmenté par le mal, que leurs intentions soient bonnes ou non. Le défenseur avait sincèrement besoin d’aide, mais à force de refouler la douleur qu’il subissait, son esprit avait fini par ériger des barrières mentales de plus en plus difficiles à franchir, surtout par lui-même.

"Ferme les yeux."

Le saiyan prit une posture plus confortable, les jambes croisées et les mains posées contre ses genoux. Satisfait de le voir suivre ses instructions sans protester, son guide se rapprocha de lui et en fit tout autant, laissant leurs énergies vitales s’habituer l’une à l’autre.

"Contemple l’instant présent."

Avec ses sens améliorés, il sentit alors la présence du gardien, douce et amicale, s’instiller dans son esprit comme une bouffée d’air frais. Il réalisa que personne n’avait jamais lu dans ses pensées auparavant : aussitôt, l'envie de repousser et le besoin de se protéger de cette intrusion se manifesta avec la puissance d’une fusée. Le besoin de se battre. Le besoin de s'éloigner, de résister, de ne pas montrer ce qui souillait son honneur, de ne pas revoir ce qui lui faisait si mal…

"Ne pense à rien d’autre que ce qui se passe en ce moment."

Il se força à vider son esprit, à ralentir sa respiration et à réfréner peu à peu le cours de ses pensées pour enfin rentrer dans un état de méditation. Se remémorant les techniques qui lui avaient été apprises pendant son apprentissage militaire, il visualisa un endroit dans lequel il se sentait à l’aise, l’une des plus belles vallées de Sadala, et ses muscles se relâchèrent l’un après autre alors qu’il se remémorait la pureté de l’air, la chaleur insoutenable contre sa peau, la course incessante des nuages sous le soleil et la lune.

"Écoute ton corps."

Mais sans le moindre avertissement, le ciel se teinta de rouge tandis qu’il se regardait entrain de saisir son épée pour dépecer le buste de Garou, le métal froid s’enfonçant dans sa chair avec une violence spontanée qu’il ne reconnaissait pas. La peur et la honte le saisirent et il se retrouva à nouveau au milieu des ruines de la capitale non, non, non— le poing de son adversaire à moitié enfoncé dans son visage j’ai mal, j’ai si mal— le front ensanglanté je suis fatigué, je n’en peux plus— le monde s’écroulant face à son indifférence. Il l’avait tué. Et ensuite ? Il n’avait ressenti aucune satisfaction, seulement un profond dégoût pour les circonstances qui les avaient amenés à se combattre jusqu’à ce que la mort s’ensuive.

"Respire lentement... Laisse tes pensées aller et venir librement..."

Derrière ses paupières closes, la présence de l’ermite dans son esprit était toujours là, admirant ces images mentales comme un passager regarderait le paysage défiler par une fenêtre, plutôt qu’un conducteur à l’avant d’un train qui l’amènerait vers une destination qu’il n’aurait pas choisi. Contrairement à l’impression désagréable que l’archiviste du temps lui avait laissé après avoir fouillé dans ses souvenirs perdus, la placidité du gros chat avait rassuré ses craintes et son ronronnement empêchait qu’il ne s’égare dans sa dissociation.

"Reste en conscience."

Au bout de quelques minutes, il le sentit s’éloigner, comme si quelque chose lui avait fait peur. Non pas pour lui, il pouvait le dire. Non pas pour lui-même, puisqu’il était capable de rentrer et de sortir des pensées d’autrui comme il le voulait. Mais il était parti de son esprit pas à pas, sur la pointe des pattes, comme s’il redoutait de faire un geste brusque qui ébranlerait le peu de lucidité qui lui restait, une lucidité qu’il maintenait comme il le pouvait à l’aide de sa pratique de la méditation.





"C'est donc ce qui s'est vraiment passé..." murmura l'ermite d’un air sombre.

Tiré hors de sa concentration, il ouvrit les yeux pour voir que le félin s’était détourné de lui, debout sur ses deux pattes arrières. Il ne parvenait pas à deviner ce qu’il pouvait bien penser à travers son aura impassible. Au bout d’une minute qui sembla s’étirer sur toute une éternité, il se retourna pour lui faire face.

"Je l’ai senti dès que j’ai vu ton regard…"

Pour la première fois depuis le début de leur rencontre, les paupières de l’ermite étaient grandes ouvertes, et une paire de prunelles dilatées absorba les siennes comme un trou noir. Son cœur manqua un battement.

"Tu as tué des gens. Ou tu le feras."

Cabba eut un geste de recul, avant de réaliser qu’il n’était même pas en situation de danger. Le matou s’était contenté de déclarer les choses telles qu’elles étaient, sans lui faire de reproche, sans lui demander de s’en aller.

"Ce n'est pas en détournant le regard de tes actions que tu effaceras leurs conséquences de ta conscience, tu sais."

Ses paroles étaient pleines d’une compassion qu’il ne méritait pas. Pas après ce qu’il avait choisi de croire. Pas après ce qu’il avait décidé de faire.

"Je n'y compte plus. Je... Je l’ai déjà trop fait. Mais je n’ai jamais rien voulu de tout ça."

Combien de temps pourra-t-il encore vivre avec ce sentiment de culpabilité dont il ne parvenait pas à tirer quoique ce soit ? Combien de temps voudra-t-il vivre avec ce poids de plus en plus lourd pour ses épaules ?

"J’ai du sang sur les mains. Vous le savez très bien."

Lui qui avait été si dévoué à la cause vertueuse qui était la sienne, pourquoi avait-il été condamné à mener une vie de souffrance ? Où avait-il fait un mauvais pas ? Qu’avait-il fait pour que le destin s’acharne sur sa misérable existence ? Quelle responsabilité avait-il dans la souffrance interminable qu’il endurait ?

"Mais ce n’est pas en les lavant avec encore plus de sang que tu enlèveras les taches."

Après avoir parcouru tout ce chemin, il savait qu’il ne pouvait plus revenir en arrière. Au moins, il aura essayé de se préparer à l’inévitable. Essayer. C'est tout ce qu'il aura été capable de faire.

"La voie de l'art martial enseigne que l’énergie vitale se trouve en toute chose : dans l'eau qui ruisselle à nos pieds, dans l'air qui gonfle nos poumons, dans la terre sur laquelle on marche, dans le feu qui crépite, dans le bois qui pousse vers le ciel."

Il resta un instant sans comprendre où l’ermite voulait en venir.

"Mais l'énergie qu'il y a dans cette épée..." murmura-t-il en pointant la lame dans son dos. "Elle n'est pas naturelle, oh que non. Elle ne vient pas de ce monde et je crains bien qu’elle n’apporte aucune réponse à tes nombreuses questions."

L’immortel était loin d’être dupe. Il avait compris la nature vicieuse de l’arme dimensionnelle, même s’il ne connaissait pas son origine. Pourtant, il n’avait pas cherché à se débarrasser de son porteur alors qu’il en avait l’opportunité, là où il aurait pu le laisser mourir de ses blessures et ainsi éliminer une potentielle menace pour la Terre, voire pour l'univers tout entier.

"C’est le seul indice qu’il me reste de ce passé que je suis le seul à avoir oublié."

Le visage paniqué du terrien à l’émeraude s’imposa dans l’esprit, avant d’être remplacé par le regard creusé par la lassitude qu’il portait de leur seconde rencontre. Les souvenirs que cet homme lui avait révélés étaient probablement des mensonges, mais ils demeuraient amalgamés dans la matière de la réalité.

"Si je ne fais pas ce qu'il faut pour comprendre ce qu'il s'est passé et résoudre cette histoire, alors toutes ces promesses auront été vaines. Je ne peux plus revenir sur mes pas."

Remettre les pièces dans le bon ordre allait encore prendre du temps, mais il était bien trop épuisé pour passer sa vie à rassembler les fragments éparpillés de sa mémoire. Il avait la force nécessaire pour rester debout continuer à avancer, mais il n’en avait plus la détermination pour le faire.

"Je ne pourrai pas t’empêcher d’accomplir la mission que tu t’es donnée."

Le regard qu’il posa sur lui tandis qu’il reprenait sa posture méditative, sa queue enroulée autour de son corps, ne contenait aucune malice : c’était le regard empli d’une grande sagesse, celle qui avait vu le bien et le mal s’affronter suffisamment de fois dans le cœur des mortels pour comprendre qu’il fallait les laisser décider de la façon dont ces forces influenceraient leur épanouissement. La nature était ainsi faite, l’histoire se répétera aussi longtemps que des protagonistes et des antagonistes se succèderont pour trouver leur place dans ce vaste monde.

"Prends garde à ne pas incarner ce mal contre lequel tu te bats, ou bien tu passeras l’éternité à chasser tes propres démons, crois-moi."

Il ferma bientôt les paupières, permettant à son organisme de s’abandonner au contrecoup de la fatigue accumulée depuis ces derniers jours. Lentement, très lentement, son corps et son esprit se détendirent. Sa respiration était redevenue calme. La terreur qui secouait son cœur était passée. Il laissa l'apathie prendre place dans son for intérieur, tombant dans un engourdissement confortable.

Lorsqu’il revint à lui, il était de nouveau seul.
Plus aucun vestige du légendaire félin, ni du festin qu’ils avaient partagé ensemble...

Mais non loin de lui, un petit sac contenant d’étranges fèves avait été disposé à son attention.



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